Pourquoi l'est de la RDC ne parvient pas à s'apaiser ?
15 juin 2023Au moins 46 civils tués - dont la moitié étaient des enfants - c'est le triste bilan du nouveau massacre perpétré, en début de semaine, dans le camps de déplacés de Lala, situé dans la province de l'Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo. Les miliciens de la Codéco, la Coopérative pour le développement du Congo, sont les auteurs de cette attaque.
Pourtant, il y a à peine quinze jours, ils faisaient partie des signataires d'un protocole d'accord de paix prévoyant notamment que les milices actives dans la région déposent les armes. Ces drames à répétition illustrent l'incapacité de l'armée congolaise et de la force des Nations unies à assurer la sécurité dans cette partie du pays
Monusco : un mandat trop faible
Le camps de déplacés de Lala est situé à quelques kilomètres seulement de Bule. Une ville qui, en dépit de sa petite taille, abrite une base de l'armée congolaise et une base de la Monusco, la mission des Nations unies dans le pays. Une double présence qui, apparemment, n'a pas suffi à éviter cette nouvelle tuerie, dans la nuit de dimanche à lundi.
A qui la faute ? Elle semble partagée …
La Monusco, présente depuis 1999 dans l'est de la RDC, a beau compter parmi les missions de paix de l'Onu les plus importantes et les plus coûteuses au monde, elle a une part de responsabilité dans l'instabilité de l'est congolais - que ce soit en Ituri où s'est déroulé le massacre de Lala, ou dans le Nord-Kivu, où les rebelles du M23 notamment occupent une partie du territoire.
"La Monusco a largement échoué, affirme Richard Moncrieff, directeur du département des Grands Lacs à l'International Crisis Group. "Au cours des dix dernières années, elle n'a pas eu d'impact significatif sur la sécurité. Et elle n'est pas en mesure de faire la différence dans le scénario qui prévaut actuellement dans l'est du Congo et que l'on pourrait résumer ainsi : ni guerre, ni paix"
L'expert de l'ICG déplore que le mandat de la Monusco ne soit pas assez "agressif" pour venir à bout des groupes armés.
Beaucoup de troupes pour peu de résultats
Pourtant, outre les Casques bleus, d'autres organisations – la Communauté des Etats de l'Afrique de l'Est (EAC), la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC) ou encore l'Union africaine – sont présents, officiellement pour soutenir les troupes congolaises.
Mais ces forces ne parviennent pas à coopérer entre elles et Kinshasa ne leur accorde qu'une confiance limitée : en mai dernier, le président Félix Tshisekedi a même accusé l'EAC de collusion avec l'ennemi.
La responsabilité de Kinshasa
Enfin, il y a la responsabilité de l'Etat congolais et de son armée. L'état de siège que le gouvernement Tshisekedi impose depuis plus de deux ans à l'Ituri et au Nord-Kivu, et qui permet à l'armée et à la police d'administrer ces deux provinces à la place des civils, n'a pas permis d'apaiser la région.
Face à cela, la population, qui subit les attaques des groupes armés, cède souvent aux rumeurs, justifiées ou non, de complicité entre les militaires déployés et les rebelles, ceux-ci se finançant essentiellement grâce au trafic d'or et de minerais dont l'est congolais regorge.
Pour toutes ces raisons, Alex Vines estime que le retrait de la Monusco, actuellement à l'étude, ne serait pas le coup de baguette magique salvateur. Il est directeur du programme Afrique auprès du groupe de réflexion Chatham House et selon lui :
"C'est une année électorale. Le gouvernement Tshisekedi a tout intérêt à faire de la Monusco et de l'Onu des boucs émissaire pour masquer ses propres manquements. La réalité c'est que l'armée en RDC est très mal équipée pour affronter les défis que lui posent les groupes armés dans l'est."
Et en attendant, un dialogue politique sérieux avec les différents partis, afin de résoudre la situation dans l'est du pays, n'a toujours pas eu lieu.