Rébellion Wagner : quel impact pour l'Afrique ?
26 juin 2023Le 24 juin 2023, le monde entier avait les yeux rivés sur la rébellion avortée menée par Evgueni Prigojine et ses forces de Wagner contre le Kremlin. Une chose est sûre, cet épisode inattendu ne sera pas sans conséquences, y compris en Afrique, dans les pays où le groupe paramilitaire est implanté depuis des années.
Les déclarations se sont succédées aujourd'hui [26.06.2023] à ce sujet. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a affirmé ce lundi que les opérations de Wagner en Centrafrique et au Mali continueraient.
"Ça fait très, très peur"
Au Mali, l'un des pays où la force paramilitaire est la plus implantée, l'heure est à l'inquiétude. Les forces de Wagner sont connues pour être le bras armé de la Russie, notamment en Afrique. Mais si, comme cela a semblé être le cas ce week-end, Wagner n'est plus inféodé au pouvoir russe, jusqu'où peuvent-ils aller ?
Dans les rues de Bamako, aujourd'hui, la peur a succédé à la surprise. "Le gouvernement russe même n'arrive pas à les maîtriser", déclare un habitant. "Et dans nos pays, où ils sont actuellement, qu'est-ce qu'on doit faire alors ? Cela veut dire que ce n'est pas une force qu'on peut maîtriser, donc que c'est très dangereux pour nous."
Une autre passante renchérit : "Les Maliens ont signé une convention avec Wagner pour venir nous sauver ! Et si on apprend que la Russie, notre nouveau partenaire, est en conflit avec Wagner, alors là ça fait très, très peur."
L'avenir de la présence russe en Afrique
A ce stade, des déclarations officielles et concordantes de la Russie, mais aussi de la Centrafrique, affirment que le Kremlin continuera ses opérations en Afrique, par le biais des soldats de Wagner.
Pour Adrien Poussou, ex-ministre centrafricain et auteur d'un livre intitulé "L'Afrique n'a pas besoin de Poutine" paru en 2022 aux éditions de L'Harmattan, les accords conclus entre la Centrafrique et les forces de Wagner pour l'exploitation des ressources du pays empêchent toute évolution de la situation.
"Le président Touadéra est l'otage de Wagner, et il en est conscient.", assène l'essayiste. "Donc la situation, de mon point de vue, malgré cette rébellion avortée de Wagner, va demeurer figée en République centrafricaine, jusqu'à ce qu'une puissance supérieure à celle de Wagner puisse s'en mêler."
Jean-Pierre Mara est ex-député de l'opposition en République centrafricaine. Il confirme que la Russie a intérêt à ce que rien ne change en Afrique : "Elle a besoin de l'or centrafricain, de l'or malien pour récupérer l'argent pour entretenir la guerre, donc évidemment rien ne va changer ! Mais est-ce que ce seront les mêmes acteurs ? On ne sait pas !"
"Wagner reste un outil indispensable"
Malgré tout, sur le continent africain particulièrement, Wagner et le Kremlin restent dépendants l'un de l'autre. La présence de Wagner dépend du soutien russe, et l'exploitation des ressources minières au profit de la Russie, de la force paramilitaire sur place.
"On est sûr que Prigojine a perdu de son influence en Russie même. Alors qu'en Afrique, le déploiement de Wagner et le positionnement politique et militaire de Wagner resteront inchangés.", souligne Nils Schmid, député du parti allemand SPD spécialisé dans la politique étrangère.
"C'est dans l'intérêt du gouvernement russe et des troupes Wagner de continuer leurs efforts et leur déploiement en Afrique pour profiter des ressources naturelles, de l'or et autres. Pour la projection de la puissance russe en Afrique, Wagner reste un outil indispensable."
Alors que la Russie a assuré que rien n'allait changer à ses relations avec ses alliés africains, et que le président biélorusse Alexandre Loukachenko semble vouloir opérer une médiation entre Evguéni Prigojine et Vladimir Poutine, la situation reste incertaine et devrait évoluer dans les heures et les jours à venir.
Pour plus d'informations sur la présence de Wagner en République centrafricaine, écoutez notre série de podcasts Quiquoicomment? sur les activités du groupe PCM Wagner en Afrique.