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Wagner au Soudan, la ruée vers l'or

2 mai 2023

Dans l'ombre du conflit meurtrier qui secoue le Soudan depuis le 15 avril, on retrouve le groupe paramilitaire russe Wagner qui est implanté dans le pays depuis plusieurs années, avec une mainmise sur les réserves d'or.

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Des mercenaires de Wagner au Mali (image d'ilustration)
Des mercenaires de Wagner au Mali (image d'ilustration)Image : French Army/AP/picture alliance

C'est en 2017 que Wagner s'installe au Soudan, sur invitation du président Omar el-Béchir qui vient de rencontrer Vladimir Poutine à Moscou. L'organisation paramilitaire crée la société Meroe Gold et commence à explorer les ressources aurifères du Soudan.

La mine d'Ariabl, dans le désert soudanais
La société russe Meroe est implantée au Soudan pour raffiner l'or qui sort des minesImage : Ashraf Shazly/AFP/Getty Images

A la même époque, Wagner établit des relations avec le général Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemedti, et son groupe paramilitaire FSR, les forces de soutien rapide.

Selon des habitants d'Al-Ibaidiya, les FSR protègent les marchands russes qui viennent acheter l'or aux mineurs dans cette ville située sur les rives du Nil, à environ 400 kilomètres au nord de la capitale Khartoum.

A une quinzaine de kilomètres de là, l'usine de raffinement d'or est également gardée par des membres des FSR, en étroite collaboration avec des agents de sécurité russes qui appartiendraient au groupe Wagner.

"Partout où vont les Russes, les FSR les accompagnent", déclare à la DW Mustafa El Tahir, qui extrait de l'or depuis 2018 à Al-Ibaidiya.

"L'exportation de l'or dans un état de semi-raffinement se fait en direction des Emirats et de la Russie, et là on retrouve Wagner qui sécurise les mines, participe à l'exploitation des mines et qui est associé en quelque sorte à Hemedti dans ce commerce illicite international", confirme Antoine Basbous, directeur de l'Observatoire des pays arabes à Paris.

Des milliards de dollars détournés

Une boîte remplie de pépites d'or
Des milliards de dollars échappent au trésor public soudanaisImage : Ashraf Shazly/AFP/Getty Images

Un commerce qui échappe en effet en grande partie au trésor public soudanais. Selon la chaîne américaine CNN, 32,7 tonnes d'or n'auraient pas été déclarées en 2021, soit un montant d'environ 1,9 milliard de dollars... Ceci en échange du soutien politique et militaire du Kremlin à la junte militaire qui a pris le pouvoir.

La relation privilégiée de Wagner avec les FSR de Hemedti aurait même joué un rôle déterminant dans ce coup d'Etat. A l'époque, Hemedti co-dirige le pays avec le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane.

En février 2022, le patron des FSR se rend à Moscou pour apporter son soutien au projet russe d'installation d'une base navale en mer Rouge, un projet qu'al-Burhane refuse d'approuver.

Selon le New York Times, son avion transporte également... des lingots d'or. A Moscou, Hemedti aurait en effet demandé l'aide de responsables russes pour acquérir du matériel militaire.

Soutien russe aux FSR 

Des fumées de bombardements à Khartoum
Les combats qui font rage au Soudan depuis le 15 avril conduisent des centaines de milliers de personnes à fuirImage : MOHAMED NURELDIN ABDALLAH/REUTERS

Aujourd'hui, une nouvelle enquête de l'organisation All Eyes on Wagner suggère que Wagner a fourni des missiles aux FSR pour soutenir leur lutte contre l'armée soudanaise

Des images satellites montrent également un regain d'activité russe sur des bases aériennes en Libye contrôlées par le maréchal Haftar, ce qui, selon CNN, laisse supposer que la Russie aurait prévu de soutenir les FSR de Hemedti avant même le début du conflit, avec l'aide de Khalilfa Haftar.

Isabelle Curie, chercheuse sur le groupe Wagner, plaide toutefois la prudence "avant de tirer des conclusions" sur une alliance potentielle entre Wagner et Hemedti ou sur le rôle de Wagner dans les troubles actuels au Soudan. "L'implication du groupe reste opaque", affirme-t-elle.

Ni Vladimir Poutine, ni Evgueni Priojine, le patron de Wagner, n'a en effet intérêt à une instabilité dans ce pays, "surtout si le conflit déborde au-delà des frontières et notamment sur la Centrafrique où Wagner a établi des relations et des contrats pour extraire les ressources", conclut la chercheuse.

 

Deutsche Welle Anne Le Touzé
Anne Le Touzé Journaliste au programme francophone de la DWnanetouz