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Les Banyamulenge auraient aimé voir rester la Monusco

Paul Lorgerie
22 avril 2024

En République démocratique du Congo, les Banyamulenge du Sud-Kivu se sentent menacés. Ils auraient préféré que les Casques bleus restent plus longtemps.

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Un Casque bleu de la Monusco devant une fresque murale à Goma (archive de 2016)
Le personnel militaire de la Monusco a entamé son retrait de RDC alors que l'est est toujours en proie aux groupes armésImage : Pablo Porciuncula/AFP/Getty Images

En République démocratique du Congo, la composante militaire de la Monusco, la plus ancienne des missions de maintien de la paix, est sur le point de quitter pour de bon la province du Sud-Kivu

Une première étape dans le désengagement de la mission, qui devra ensuite se retirer du Nord-Kivu puis de l'Ituri, deux autres provinces de l'est du pays. Pour rappel, cette page onusienne se tourne à la demande du gouvernement congolais, notamment après plusieurs manifestations violentes contre la présence de la Monusco, à laquelle certains Congolais reprochaient son inaction face aux groupes armés.

Mais est-ce que tous les Congolais sont aujourd'hui satisfaits de cette décision ? Dans le Sud-Kivu, certaines communautés comme les Banyamulenge se sentent encore menacées.

Des hommes et femmes banyamulenge de dos, dans les collines du Sud-Kivu (archive de 2020)
De nombreux Banyamulenge ont dû quitter leur domicile à cause des groupes armésImage : Alexis Huguet/AFP/Getty Images

La peur du retour des attaques

Mikenge, sur les hauts plateaux du Sud-Kivu. En contrebas du village, se trouve un site de déplacés de 2.500 personnes, toutes appartenant à la communauté banyamulenge, des Congolais rwandophones.

Philémon Chiza en fait partie. Il témoigne de l'insécurité qui les a poussés à fuir leur lieu de vie : "C'est la guerre. Les maï-maï (des milices d'autodéfense dont certaines se sont transformées en groupes criminels, ndlr) nous ont attaqués dans notre village. Ils nous ont ravi nos bêtes, toutes les richesses que nous avions. C'est pourquoi nous sommes venus ici, proches de la Monusco."

Ce que ce pasteur de 64 ans craint, c'est le retour de la violence dans la région, bien qu'à l'heure actuelle, les relations avec les autres communautés soient apaisées dans Mikenge et ses alentours. 

Un milicien maï-maï dans un champ (archive)
Les populations banyamulenge se sentent toujours menacées par la présence de groupes armés comme les maï-maïImage : Phil Moore/AFP/Getty Images

Car depuis 2017, les tensions entre les quatre ethnies occupant les hauts-plateaux ont repris de plus belle et les Banyamulenge sont au centre. Souvent affiliés aux Tutsis rwandais, la plupart des habitants des environs les considèrent comme des étrangers. Ce que réfute Philémon Chiza : "Je suis né ici. Mon papa est né ici. Le papa de mon papa, donc mon grand-père est né ici. Je suis Congolais."

Liens avec le Rwanda ?

Seulement voilà, un nouvel élément pourrait raviver la flamme de la haine envers les Banyamulenge. Dans leur rapport de janvier 2024, les experts des Nations unies ont établi un lien entre le M23, soutenu par le Rwanda, et les Twirwanehos, le principal groupe d'autodéfense des Banyamulenge. 

Des connexions prouvées, selon Josaphat Musamba, chercheur et  spécialiste des dynamiques des groupes armés dans le Sud Kivu. Pour autant, si le soutien du M23 aux twirwanehos n'est pas surprenant,  des rumeurs d'alliance du M23 avec le chef de guerre Ebuela, qui se bat pour le départ des Banyamulenge, poussent sur les cimes des hauts plateaux.

Cette alliance contre-nature n'est pourtant pas impossible pour le chercheur Josaphat Musamba : "Ce qui est antinomique par rapport à ce que l'on sait, mais pas impossible", estime-t-il, avant de constater que "les changements et recompositions d'alliances dans ces zones-là jouent beaucoup."

Quoiqu'il en soit, le chercheur craint que, après le départ de la Monusco, les groupes armés présents dans la région des hauts-plateaux se réapproprient de nouveau l'espace au détriment des populations civiles.