La Centrafrique dans l'impasse politique
31 octobre 2022La Centrafrique vit une situation inédite depuis l’intronisation de Jean-Pierre Ouaboué, alors vice-président de la Cour Constitutionnelle, comme le désormais président de cette institution.
Pour éviter à son pays l’isolement international, le président Faustin-Archange Touadéra, a convoqué les diplomates pour leur expliquer la situation.
Mais, il n’a sans doute pas convaincu les Etats Unis qui disent être inquiets. Il est difficile pour l’instant de remplacer Danielle Darlan, ce qui fait perdurer la crise.
Danièle Darlan a adressé au président Faustin-Archange Touadéra une lettre dans laquelle elle précise les conséquences fâcheuses de son limogeage.
"Deux juges désignés en violation de la constitution siégeront à la Cour Constitutionnelle, ils seront illégitimes. Ceci aura des conséquences lourdes pour la Cour : son fonctionnement, sa crédibilité et même sa légitimité. En effet, toutes les décisions auxquelles participeront les juges, seront viciés du fait de leur simple participation aux délibérations, toutes sans exception, notamment les décisions traitant du contentieux électoral" indique Danielle Darlan dans sa lettre au président centrafricain.
Une succession difficile
L’Université de Bangui a simplement fait un constat de carence. Aucune femme à part la professeur Danielle Darlan n’a plus de dix ans révolu pour siéger à la Cour. Par conséquent, les enseignants engagent le président Touadéra à modifier les dispositions de l’article 99 de la constitution qui fixe les modalités de désignation au sein de cette institution.
L’opposition dénie à Jean-Pierre Ouaboué la qualité de présider cette cour. Motif : il n’est pas élu par ses pairs sages de la Cour constitutionnelle.
"Le BRDC condamne le coup d’Etat constitutionnelde Mr Touadéra. Dénie à M Jean-Pierre Ouaboué la qualité du président de la Cour Constitutionnelle pour défaut de légitimité", réagit Me Nicolas Tiangaye porte-parole intérimaire du du Bloc démocratique pour la reconstruction de la Centrafrique, BDRC.
Risque d'isolement
Cette situation semble isoler davantage le président Touadéra. En réaction, il a convoqué le vendredi 28 octobre les diplomates pour demander le soutien de leur pays. Il a plaidé sa bonne foi en présentant la crise institutionnelle.
"L’administration se fondant sur l’esprit de la constitution, de la loi portant statut général de la fonction publique et de la loi portant statut particulier de la magistrature de l’ordre judiciaire a estimé que la mise à la retraite d’un fonctionnaire rendait juridiquement impossible la poursuite d’une fonction ou d’un mandat ne résultant pas d’une élection au suffrage universel direct".
L’approche du président Faustin-Archange Touadéra se heurte à des difficultés notamment celles de la hiérarchie des normes. La constitution consacre en effet l’inamovibilité des juges tout le long de leur mandat de sept ans.
Le soutien espéré du président Touadéra ne viendra pas des Etats Unis qui ont aussitôt publié un communiqué exprimant leurs vives inquiétudes.
"Le président Touadéra a plongé la République centrafricaine, notre pays, dans une impasse et le pays est institutionnellement paralysé, parce que nous avons désormais affaire à une Cour constitutionnelle qui est illégitime, le président illégitime et l’Etat de droit a disparu. Il n’y a plus de possibilité de contrôle juridictionnel des actes qui seront pris au sommet de l’Etat. La cour devenue illégitime ne peut pas contrôler les actes du parlement c’est-à-dire la loi. Le président de la République peut adopter des décrets inconstitutionnels qui vont rester dans l’ordonnancement juridique et qui vont être appliqués", affirme Dominique Désiré Erenon.
Par sa rencontre avec les ambassadeurs, le président Touadéra a estimé clore le débat sur la crise alors que plusieurs requêtes en inconstitutionnalité des décrets présidentiels ne sont pas encore délibérées et la cour est aussi confrontée à ce problème de quorum nécessaire pour siéger.