La Cour Pénale Spéciale en Centrafrique est une juridiction nationale parrainée par l’ONU. Elle a pour mission de juger les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis dans ce pays depuis 2003. Neuf ans après sa création, sa tâche n'est pas simple.
Mais le président de cette cour Michel Landry Louanga se veut optimiste et nous explique en quoi les crises dans le monde, notamment la guerre en Ukraine, affectent les activités de cette juridiction.
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DW : La Cour pénale spéciale a neuf ans. Quelles sont les avancées que cette Cour a enregistrées dans l'exercice de sa mission pour juger les crimes en Centrafrique ?
Il y a eu vraiment des avancées significatives. Nous avons démarré nos activités en respectant la mission qui nous est confiée et cette mission est déclinée en trois phases : nous avons d'abord les enquêtes à faire, ensuite l'instruction des affaires au niveau des cabinets d'instruction et la dernière phase, celle réservée aux procès.Nous avons atteint aujourd'hui la dernière phase, qui est la phase de procès, c'est qui est pour nous une grande satisfaction.
DW : Combien de dossiers d'instruction avez-vous pu boucler et qui pourraient être jugés ?
Nous avons plusieurs dossiers aujourd'hui au niveau de la phase d'instruction.
Il y a des dossiers qui sont en phase terminale, c'est-à-dire qu'il ne reste que les ordonnances que les juges doivent prendre pour renvoyer les personnes soupçonnées devant les instances du jugement. Mais il y a aussi d'autres dossiers qui sont rentrés dans ce cabinet-là, un peu en retard, qui en sont à la phase des investigations qui a démarré. Donc c'est plus d'une vingtaine de dossiers que les juges sont en train d'examiner. Parmi eux, certains sont vraiment en phase très avancée et vont faire l'objet de procès au cours du dernier semestre 2024 et du début de l'année prochaine.
DW : Un des dossiers retentissants que la Cour pénale spéciale a jugé, c'est le cas de Koundjili et Lemouna. Aujourd'hui, la Cour est beaucoup plus attendue sur la question des réparations. Est-ce qu'aujourd'hui la Cour a les moyens qu'il faut pour faire la réparation aux victimes?
Le rôle principal que la cour est amenée à jouer, c'est de juger les affaires et rendre les décisions. En ce qui concerne la question de la réparation, c'est l'accessoire mais en tout état de cause, les moyens dont nous disposons sont pour la plupart mis à notre disposition par des partenaires.
Nous avons, dans un premier temps, reçu des moyens qui allaient dans le sens des enquêtes, des investigations au niveau des cables d'instructionn et les procès proprement dits. Maintenant que certaines décisions sont tombées, il faut que nous reprenions les contacts avec les partenaires pour que nous disposions des moyens financiers pour pouvoir procéder à des réparations. C'est une tâche qui est délicate.
Nous avons entamé des démarches pour le procès Koundjili auquel vous faites allusion. Nous avions, à l'époque, reçu l'appui des États-Unis d'Amérique. Cela ne couvre pas la totalité des condamnations qui ont été prononcées, mais néanmoins, ça nous permet de commencer à satisfaire certaines victimes suite à la décision qui a été prise par les juges.
DW : Les victimes ne l'entendent pas de cette manière là. Est-ce que vous comprenez aussi aujourd'hui le découragement ou encore le relâchement de ces victimes, qui attendent beaucoup plus ce qui concerne la réparation?
Je comprends parfaitement les attentes des victimes sur cette question, mais je voudrais également vous dire que la question de la réparation aujourd'hui, en ce qui concerne la justice internationale, c'est une question qui n'a pas encore trouvé des solutions générale.
Ce n'est pas facile.
Vous connaissez la situation mondiale aujourd'hui, avec les crises, en Ukraine ou autre, où certains pays ont d'autres préoccupations que de porter des appui à une juridiction comme la nôtre, c'est une situation qui est difficile, mais nous nous attelons à ce que nous puissions plus ou moins répondre à ces préoccupations-là, pour ne pas que les victimes se sentent abandonnées.
DW : La CPS a lancé un mandat d'arrêt contre François Bozizé. Bangui ne semble pas vous soutenir dans cette démarche, y compris son pays d'accueil la Guinée-Bissau. La CPS ne risque-t-elle pas d'échouer en matière d'opportunité de poursuites?
A ma connaissance, le président de la Guinée-Bissau, qui a donné sa position de manière claire, comme quoi il s'opposait à l'extradition de l'ancien président Bozizé. A tout procédure d'extradition, il y a toujours des difficultés. La procédure suit son cours. Ça, c'est les réactions politiques.
Nous avons saisi Interpol, nous attendons le résultat. Interpol nous dira si c'est une démarche infructueuse ou non.