Au Burkina, de jeunes citoyens veillent sur leur président
22 novembre 2023Il est 21h30 quand nous arrivons sur le premier carrefour où se tient ce que certains appellent une "veille citoyenne". A ce carrefour situé à Paspanga, jouxtant l'Etat-major de la gendarmerie nationale et non loin du palais présidentiel, le rassemblement débute au milieu du rond-point.
Lassané Sawadogo est président du Front pour la défense de la patrie, un mouvement prorusse. Pour lui, il est nécessaire de veiller : "Pour moi veiller est un acte patriotique, c'est pour montrer l'amour pour la patrie, veiller c'est dire à la population burkinabè que nous sommes éveillés. C'est un acte révolutionnaire que de laisser sa famille pour venir veiller pour la nation. Cette veille citoyenne permet de détecter les infiltrations des personnes que nous estimons déstabilisatrices du Burkina Faso. Cette veille citoyenne, c'est pour prouver que nous sommes déterminés."
Drapeaux voisins
Cette détermination s'illustre aussi par les drapeaux que l'on peut apercevoir sur les grandes artères de Ouagadougou, ainsi que les portraits des putschistes malien Assimi Goïta, nigérien Abdoudrahamane Tchiani et guinéen Mamadi Doumbouya. Sans oublier ceux du président russe Vladimir Poutine.
Lassané brandit un drapeau russe et ne cache pas son admiration pour ce nouvel allié qui est venu remplacer la France : "La France était là depuis des années et n'a pas pu subvenir à nos besoins de sécurité et en une année seulement, la Russie est venue à notre aide et aujourd'hui, la plupart de nos pays ont été dotés d'équipements militaires. Sur le front, nous voyons des avions intervenir quand il y a des besoins et nous ne pouvons que remercier la Russie en hissant son drapeau au Burkina Faso, pour dire que nous sommes reconnaissants pour tout ce qu'elle fait."
Le mythe russe
Plus loin, non loin du palais présidentiel, au rond-point des Nations unies, désormais baptisé Ibrahim Traoré, se trouve Amado Compaoré, dit Wagnignan, un terme qui signifie "Appel à la mobilisation".
"Nous sommes là pour dire que rien ne nous surprendra. Rien ne vaut la vie donc c'est notre vie et nous sommes en train de l'acheter ici. Nous savons tous que si le capitaine Ibrahim Traoré est en vie, les 274.000 kilomètres carrés de notre territoire seront libérés. Voilà pourquoi nous dormons ici pour veiller et pour que rien de mal ne lui arrive. C'est vraiment visible, voici notre maison : nous dormons sur le goudron."
Cette veille citoyenne est présente dans une centaine de ronds-points de Ouagadougou et des drapeaux russes sont visibles un peu partout dans la ville.
Ici, au quartier Zagtouli, situé à la sortie ouest de la capitale, aux alentours de minuit, le mythe russe est encore bien présent. "La Russie fait ce que nous voulons et c'est pourquoi nous brandissons son drapeau" explique Abdoul Rahim Kabré.
Néanmoins, certains Burkinabè s'inquiètent de voir ces jeunes gens veiller dans la rue. Un membre du collectif syndical CGT-B, qui a préféré rester anonyme, a ainsi déploré le fait que les autorités laissent ces jeunes se rassembler, alors que les syndicats n'ont pas le droit de manifester.