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Les positions "irréconciliables" de la Russie et l'Ukraine

22 mars 2022

Interview avec Alexandra Goujon sur les pourparlers qui se poursuivent pour trouver une issue à la guerre en Ukraine. Elle est maître de conférences à l'Université de Bourgogne, en France.

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Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky pourront-ils trouver un compromis pour faire cesser la guerre ?
Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky pourront-ils trouver un compromis pour faire cesser la guerre ?Image : A. Gorshkov/SPUTNIK/AFP/Getty Images/Presidency of Ukraine/AA/picture alliance

Des délégations russe et ukrainienne continuent de se retrouver pour discuter afin de mettre fin à la guerre en Ukraine, mais ces discussions ont lieu à huis clos. Et comme il y a rarement de point presse à l'issue de ces rencontres, peu d'informations paraissent sur l'avancée réelle des pourparlers.

Le président ukrainien a toutefois redit qu'il était prêt à rencontrer son homologue russe et à discuter de tous les points litigieux avec Vladimir Poutine "pour arrêter la guerre"... mais qu'il soumettrait tout éventuel compromis à référendum. Aujourd'hui, les points de vue russe et ukrainiens "paraissent irréconciliables".

Pour savoir ce qu'il en est des positions défendues par l'Ukraine et la Russie et les chances d'aboutir des pourparlers en cours, écoutez ci-contre l'interview de la DW avec Alexandra Goujon.

Maître de conférences en sciences politiques, spécialiste de l'Ukraine, à l'Université de Bourgogne, en France, Alexandra Goujon est aussi l'autrice de "L'Ukraine : de l'indépendance à la guerre", paru en 2021 aux Editions du Cavalier bleu.

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Interview Alexandra Goujon, de l'Université de Bourgogne

Ce qu'on peut savoir [des pourparlers], en fait, est relativement restreint puisque ces rencontres ont lieu à huis clos. Il n'y a pas véritablement de conférence de presse après ces rencontres. Donc il faut détecter des informations ici ou là. Et je pense qu'il faut être extrêmement prudent sur ce qu'on peut dire de ces négociations. […]

Aujourd'hui, les points de vue russe et ukrainien paraissent irréconciliables.

D'un côté, Vladimir Poutine a exprimé un certain nombre d'exigences, il y a de cela une ou deux semaines, en estimant que le fait que il souhaitait que la reconnaissance internationale de la Crimée comme étant russe, un statut de neutralité pour l'Ukraine, un changement de pouvoir au niveau de l'Ukraine et également une reconnaissance des indépendances des républiques de Donetsk et de Lougansk, sans préciser d'ailleurs quel serait éventuellement le territoire recouvert par ces républiques. 

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De l'autre côté, on a une Ukraine qui aujourd'hui s'appuie sur trois points. Le premier point, c'est un cessez-le-feu et un retrait des troupes russes. Le deuxième point, c'est le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale. Et le troisième point, ce sont des garanties de sécurité.

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DW : … Et notamment des pays membres de l’Otan…

Voilà. Sachant qu’aujourd'hui, Volodymyr Zelensky dit de manière assez explicite : "Nous avons bien compris que, pour l'instant, l'Otan ne voulait pas de nous. Mais si nous ne pouvons pas entrer dans l'Otan, il nous faut des Etats qui garantissent notre sécurité."

DW : Pourtant, le président ukrainien a dit qu'il était prêt à rencontrer Vladimir Poutine personnellement et à discuter de tout avec lui. Y compris de la Crimée et des républiques autoproclamées du Donbass...  A condition que les décisions soient soumises ensuite en Ukraine à l'approbation populaire par référendum. Est-ce que ça, ça peut être une ouverture vers une issue ou accélérer un peu le rapprochement des deux parties ?

La première chose que ça nous dit, c'est qu'en fait Vladimir Poutine nie aujourd'hui la légitimité historique de l'État ukrainien et veut se débarrasser en quelque sorte de Zelensky. Donc l'objectif de Zelensky, c'est d'apparaître comme l'interlocuteur principal de ces négociations.

C’est en cela aussi qu'il fait cette proposition à Vladimir Poutine : "Je suis le chef de l'Etat ukrainien et c'est donc avec moi qu'il faut négocier". Pour sa part, ça me paraît assez logique.

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DW : Donc en gros : "Si la rencontre n'a pas lieu, c'est de la faute de Vladimir Poutine puisque moi j'étais prêt" ?

Tout à fait. Ça, c'est la première chose. Et après, lorsqu'il dit : "Je suis capable de négocier de tout". Oui, ça veut dire que, en quelque sorte, rien n'est vraiment tabou. 
Par contre, Volodymyr Zelensky pose un certain nombre de garde-fous et dit : "Notre souveraineté n'est pas discutable".

Cette question du référendum, par exemple, sur le statut dans le Donbass, c'est quelque chose dont il avait parlé déjà quand il est arrivé au pouvoir en 2019. 

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C'est une manière aussi pour Volodymyr Zelensky de montrer qu'il ne prendra pas la décision seul, que son pays est un pays démocratique et qu'il partagera la responsabilité de la décision qui pourrait être prise. Donc, ce n'est pas la décision d'un chef, mais la décision d'un chef et d'une population qui a son mot à dire.

 

DW : Volodymyr Zelensky a même suggéré de recourir à la médiation du Pape. D'où lui vient cette idée-là?

Aucune idée. Je pense que Volodymyr Zelensky est dans une stratégie où toute bonne volonté à la médiation est bonne à prendre.

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DW : La population civile ukrainienne souffre des bombardements. Les sanctions ont sans doute déjà un effet sur la population russe aussi. Est-ce qu'il n’y a pas un moment ou l'un et l'autre des deux dirigeants vont devoir mettre un peu d'eau dans leur vin et quand même discuter?

L'avenir nous le dira. On ne peut pas savoir. Aujourd'hui, on voit très bien que l'invasion russe n'est pas une invasion-éclair, que si l'objectif est vraiment d'envahir le territoire, ce sera une opération extrêmement longue, extrêmement coûteuse pour la Russie – longue et coûteuse aussi pour l'Ukraine.

On ne sait pas quels sont les paramètres dans chacun des deux pays qui pourraient, à un moment donné, affaiblir un des deux dirigeants. Ce serait vraiment beaucoup trop risqué que de faire des scénarios à court ou à moyen terme.