La guerre en Ukraine et la propagande du Kremlin
15 mars 2022Ce lundi (14.03.22), la protestataire de la télévision russe, qui a fait irruption pendant un journal télévisé, a été condamnée à une amende et libérée. Marina Ovsiannikova, employée d'une chaîne de télévision russe pro-Kremlin, était entrée sur le plateau télévisé des informations du soir pour dénoncer à l'aide d'une pancarte l'invasion russe de l'Ukraine.
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Des jeunes contre l'invasion de l'Ukraine
Comme Marina, de nombreux jeunes Russes sont en effet opposés à cette guerre et ils tentent de convaincre leurs parents qui n’ont accès qu’à la propagande des médias d’Etat.
Avant que Twitter et d’autres réseaux sociaux ne soient bloqués en Russie, il y avait des discussions en vue d'amener ses propres parents à ne pas croire à la propagande du gouvernement et surtout à ne pas soutenir la guerre contre l'Ukraine.
Aujourd’hui, il n'y a presque plus de médias critiques et indépendants en Russie et les personnes âgées en particulier, n'ont que la télévision d'Etat comme unique source d'information.
Un certain nombre de jeunes Russes, à qui des noms d'emprunt ont été attribués, pour leur sécurité, racontent à la DW, le différend qui les oppose à leurs parents, parfois depuis l'annexion de la Crimée en 2014. C’est le cas de Jelena, une jeune de 29 ans qui vit à Moscou :
"Nous avons fait comprendre à notre père que tout cela était terrible. Entre-temps, il a fait appel à son esprit critique. Il avait déjà commencé à comprendre que tout n'était pas comme on le disait à la télévision. Mais, tout ce qu’il a découvert en ce moment, a été catastrophique pour lui. Il a été pris d'une crise. Toute son approche sur la Russie et son peuple s'est effondré. Notre mère, après avoir pris sa retraite, ne regardait que la télévision d'Etat et était ainsi devenue fanatique de Poutine. Nous avions essayé de la convaincre de lire des sources alternatives, mais elle ne veut pas en entendre parler. Dès qu'on lui dit que son idéologie pourrait être fausse, elle se met en colère et devient agressive."
La paix, pas la guerre
Jelena explique qu’elle discute avec les gens de ce qu'ils peuvent faire pour influencer la situation. L'autre jour, dit-elle, mes amis et moi sommes allés à une station de métro à Moscou et avons distribué des rubans verts comme symbole de paix.
Les réactions ont été très diverses : un vieil homme s'est approché de nous, les larmes aux yeux, et a demandé un autre ruban pour sa femme. Mais, il y avait aussi une femme âgée qui criait dans toute la rue que nous étions des fascistes et que nous devions être tués.
Anton a 24 ans et est styliste. Il vit dans la région de Moscou mais dit avoir grandi à Morosovsk, dans la région de Rostov, à environ 200 kilomètres de la ville ukrainienne de Louhansk :
"Le 24 février au matin, lorsque la guerre a commencé , j'ai préparé mon sac à dos en cas de mobilisation, pour pouvoir me cacher dans la forêt. Ma mère m'a immédiatement demandé où j'allais. Elle m'a dit qu'elle soutenait la guerre contre l'Ukraine, qu'il aurait fallu occuper complètement dès 2014, et que Poutine faisait tout bien. J'étais stupéfait. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'elle justifie l'assassinat de personnes dans un pays voisin. Il est important pour moi de la convaincre que rien ne peut justifier les meurtres."
Alena, 26 ans est économiste à Saint-Pétersbourg. Elle explique comment l’occupation de la Crimée a bouleversé sa vie familiale.
"Ma mère a 47 ans et travaille dans l'administration d'un hôpital. Mon père a 56 ans et travaille pour les chemins de fer russes. Tous deux ont déjà soutenu le gouvernement russe en 2014, en répétant ce qui était dit à la télévision. Leurs points de vue ont toutefois évolué entre-temps, après les interdictions d'importation de 2014. Au même moment, mon père était moins payé par les Chemins de fer russes parce qu'on injectait beaucoup d'argent en Crimée. Je leur ai fait comprendre qu'après l'invasion de la Crimée, nous avions soudainement commencé à vivre moins bien, car c'était à cela que notre argent était consacré."
Alena dit admettre que différentes générations puissent avoir des points de vue opposés sur certaines choses, mais pas sur ce qui se passe actuellement. Je suis dit-il, content que mes parents semblent partager mon opinion sur la guerre. De nombreux médias et réseaux sociaux ont été bloqués en Russie, limitant ainsi l’accès à l’information sur place. Trois grands journaux du nord ont annoncé jeudi dernier (10.03.2022) la traduction en russe d’une partie de leurs articles sur la guerre en Ukraine, afin de pouvoir atteindre le public en Russie et contrer la « propagande » du Kremlin.
"La tragédie ukrainienne ne doit pas être communiquée au public russe par des canaux de propagande", plaident-ils, en dénonçant la récente fermeture "des derniers médias audiovisuels indépendants en Russie", la radio Echo de Moscou et la chaîne de télévision d’opposition Dojd.
"Notre but est de donner aux Russes accès à une couverture non partisane et fiable", écrivent les rédacteurs en chef des quotidiens de référence Politiken (Danemark), Dagens Nyheter (Suède) et Helsingin Sanomat (Finlande) dans une tribune commune.
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