Tchad : les victimes de Hissène Habré continuent le combat
25 août 2021C’est un sentiment partagé par beaucoup de victimes des crimes du régime de l’ancien président Hissène Habré : celles-ci regrettent qu'il soit mort avant leur indemnisation.
(Re)lire aussi → Hissène Habré est mort
André Koltar, la cinquantaine, fait partie de ces victimes.
"Moi, en tant que victime, je ne voulais pas qu’il meure de cette façon. Parce que toutes les victimes souhaitent qu’une réparation soit faite avant sa mort. Mais c’est dommage, la mort en a décidé autrement", regrette André.
Un avis que partage également une autre victime, Ginette Ngarbaye. Celle-ci est secrétaire de direction de l’Association des victimes des crimes et répressions du régime de Hissène Habré.
(Re)lire aussi → Tchad : les victimes d’Hissène Habré perdent espoir
« Les séquelles toujours en nous »
"Monsieur Hissène Habré, c’est vrai qu’il a fait disparaître beaucoup de personnes. Mais moi je voulais qu’il soit vivant pour voir ce qui va se passer, rétorque Ginette. On n’a pas souhaité sa mort. Il a été jugé et condamné comme toute autre personne. Lui, il a mis les gens en prison, combien de gens sont morts ? 40.000 morts… Nous en portons toujours des séquelles en nous. Notre lutte continue, on a droit à notre indemnisation. Nous sommes en train d’attendre notre droit seulement."
Mais pour maître Jacqueline Moudeina, principale avocate des victimes, le décès de Hissène Habré ne peut pas bloquer l’indemnisation des victimes :
"Le décès de Hissène Habré ne dédouanera pas l’Union africaine qui doit mettre en place le fond judiciaire au profit des victimes et procéder à l’indemnisation de ces victimes. Ce décès ne dédouane pas non plus le Tchad de ses obligations vis-à-vis des victimes. Il ne faut pas que les gens pensent qu’avec le décès de Hissène Habré il est permis de pouvoir marcher sur les droits des victimes. Les victimes attendent d’entrer dans leur droit et elles entreront dans leur droit."
Des milliards toujours pas versés
Après la condamnation de Hissène Habré, confirmée par une Cour d’appel au Sénégal en 2017, la somme de 82 milliards de francs CFA (soit environ 153 millions de dollars US) a été allouée aux 7.396 victimes désignées.
La Cour d’appel a alors chargé un fonds de l’Union africaine de collecter cet argent en recherchant les avoirs de Hissène Habré et en sollicitant des contributions.
Par ailleurs, l’Union africaine a alloué cinq millions de dollars au fonds fiduciaire pour les indemnisations. Mais plus de trois ans après le verdict prononcé à Dakar, ce fonds n’est toujours pas opérationnel.