Mahamat Idriss Déby prend-il ses distances avec la France ?
16 septembre 2024Au Tchad, le président Mahamat Idriss Déby serait-il prêt à prendre ses distances avec la France, pour se rapprocher de la Russie, comme les pays de l’alliance des Etats du Sahel ? Pendant longtemps, le Tchad semblait résolu à ne pas choisir entre Paris et Moscou, préférant ménager chaque camp. Mais le réchauffement des relations diplomatiques entre Moscou et N’Djamena, ainsi que le refroidissement de celles avec Paris, pourrait augurer d’une nouvelle stratégie.Depuis bientôt deux ans, le président tchadien Mahamat Idriss Déby semble prendre ses distances vis-à-vis de ses alliés traditionnels que sont l’Union européenne et les Etats-Unis.
N'Djamena n'apprécie en effet pas les rappels à l’ordre desOccidentauxsur le respect de la démocratie et des droits humains. En conséquence, le président tchadien se rapproche de la Russie, comme l’explique le chercheur tchadien Remadji Hoinathy, chercheur pour l'Afrique centrale et le bassin du lac Tchad à l'Institute for Security Studies (ISS).
Selon lui, "il est vrai que depuis cette transition, il y a un rapprochement de plus en plus clair entre le Tchad et la Russie. Rapprochement manifesté par des prises de positions dans les médias d'un côté comme de l'autre, mais aussi à travers la visite du président tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, reçu à Moscou par Vladimir Poutine lui-même (en janvier dernier, ndlr). Ensuite, le Tchad a été une priorité lors du passage du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, en Afrique. Il y a donc clairement une sorte de rapprochement".
Pas de rupture diplomatique
Cette nouvelle stratégie ne signifie pas une rupture des relations diplomatiques avec la France aussi radicale que celle des autres pays du Sahel, explique le politologue Evariste Ngarlem Toldé.
"C'est plutôt une volonté de diversifier ses relations avec différents partenaires. Le Tchad est lié à la France par la langue, par la monnaie, par les accords de défense et donc il serait difficile que le Tchad puisse tourner le dos à la France. Ce serait un jeu dangereux que jouerait le chef de l'Etat en tentant de se défaire des relations qui existent entre les deux pays", explique le chercheur.
Les relations entre Paris et N’Djamena se sont toutefois dégradées ces derniers mois, à la suite de l’ouverture d’une enquête judiciaire contre le président tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno, et sa famille, dans un dossier de biens mal acquis.
Pour Max Loalngar, le porte-parole de la coalition citoyenne Wakit Tamma, la France a commis une erreur fondamentale en soutenant, à la mort de son père, la prise de pouvoir par Mahamat Idriss Déby Itno.
Il explique que "la société civile tchadienne n'a pas souhaité la prise du pouvoir du Conseil militaire de transition après la mort de Déby père. Alors, si aujourd'hui ceux qui nous ont imposé cette situation se font la guerre, pensez-vous qu'il y aurait une personne pour s'en émouvoir ? Ils n'ont qu'à se battre, on verra bien ce qui adviendra".
Abderamane Koulamallah, le ministre tchadien des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement tchadien, n’a pas souhaité répondre à nos questions sur ce sujet.