Tchad : des opérations militaires onéreuses
22 février 2021Au Tchad, l’envoi de nouveaux soldats sur des théâtres d’opérations militaires extérieurs est de plus en plus critiqué. Lors du sommet duG5 Sahel qui s’est tenu la semaine dernière à N’Djamena, le président tchadien Idriss Deby Itno, nouveau président en exercice du G5 Sahel, a en effet annoncé l’envoi de 1 200 soldats tchadiens dans la zone dite des ‘’trois frontières’’ entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso, une région en proie à des attaques terroristes.
Cette décision est dénoncée par certains observateurs comme une tentative du président Deby de s’attirer la sympathie de la communauté internationale à deux mois de la présidentielle au Tchad.
Un "devoir" selon Deby
"C’est un devoir pour le Tchad d’envoyer des soldats tchadiens, lutter contre les djihadistes dans le Sahel. Car cette hydre, si elle n’est pas contenue, constitue une menace, non seulement pour les autres pays, mais aussi pour le Tchad ". Voilà comment le président Idriss Deby Itno a justifié sa décision lors du dernier sommet du G5 Sahel.
De l’avis de Nara Hantoloum, éditorialiste tchadien, l’engagement du Tchad dans la lutte contre le terrorisme au Sahel n’est pas mauvais en soi, cependant le journaliste plaide pour un engagement de la communauté internationale toute entière aux côtés du Tchad.
Un mission trop lourde pour le Tchad à lui seul
"La question du terrorisme concerne l’humanité en générale. Donc tous les pays doivent être mobilisés pour y faire face. Vous imaginez, c’est depuis 2013 que les troupes tchadiennes se trouvent dans la bande sahélienne pour ce combat. Mais le Tchad à lui seul ne peut pas supporter le poids de cette guerre. Le président Deby, comme il a pris les rênes du G5 Sahel, a voulu faire honneur à ses pairs qui l’ont élu, mais je doute fort que le Tchad ait les moyens nécessaires pour soutenir ses soldats déployés dans la bande sahélienne", estime le journaliste.
Mais pour le juriste consultant indépendant, le Docteur Djong Yang Dibam, la décision du président Deby d’envoyer de nouveaux soldats tchadiens dans la zone dite des trois frontières a une visée politique.
Contestation interne
A deux mois de la présidentielle, Idriss Deby chercherait selon lui à acheter le soutien de la communauté internationale afin de lui permettre de valider sa réélection le 11 avril prochain.
"En ce moment il n’est un secret pour personne que le président Deby est en difficulté en interne. Il est contesté de partout du fait de sa gestion chaotique du pays et de son 6e mandat controversé. Donc par cette décision, Idriss Deby Itno tente de faire les yeux doux à la communauté internationale pour que la communauté internationale puisse légitimer ou cautionner son 6e mandat controversé."
Selon nos confrères de l’hebdomadaire Jeune Afrique, l’envoi de soldats tchadiens avait été initialement annoncé il y a un an, lors du précédent sommet de Pau. Mais plusieurs facteurs avaient empêché leur déploiement.
Deux fois le budget de l'école
Des questions financières ont notamment conditionné cette opération. Le président tchadien réclamait qu’une partie des primes des soldats déployés soit prise en charge par les partenaires. Des questions financières qui ont été réglées, a reconnu l’Élysée quelques jours avant le sommet de N’Djamena.
Il faut dire que, l’engagement militaire du Tchad dans la lutte contre le terrorisme à l’étranger aurait coûté jusque-là plus de 300 milliards FCFA au trésor public tchadien, soit plus de deux fois le budget annuel de l’Education nationale.