RDC : Félix Tshisekedi est réélu avec 73,34% des voix
31 décembre 2023Sans surprise, le président sortant de la RDC, Félix-Antoine Tshisekedi, a été réélu avec 73,34% des voix pour un taux de participation de 43%, selon les résultats provisoires donnés par la Commission électorale nationale indépendante (Céni), ce dimanche 31 décembre 2023.
Depuis plusieurs jours, le résultat de cette élection présidentielle semblait déjà acté.
Jeudi 28 décembre, alors que l’organe en charge de l’organisation des élections continuait d’égrener les résultats circonscription électoral par circonscription électoral, certains médias congolais avaient déjà affirmé que le chef de l’État, candidat à sa réélection, avait emporté la compétition.
Des pronostics confirmés par la mission d’observation de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) et l’Église du Christ au Congo (ECC) qui, dans une déclaration préliminaire le même jour, avait déclaré de façon évasive que "grâce au dispositif de comptage parallèle des voix […] un candidat s’est démarqué des autres avec plus de la moitié des voix à lui seul".
Le lendemain, soit deux jours avant la publication des résultats provisoires, le chef de l’Etat assurait qu’il avait reçu "la confiance du peuple congolais et nous [le Gouvernement] devons travailler très dur pour maintenir cette confiance".
Un bilan contrasté
Félix-Antoine Tshisekedi, qui selon de nombreux observateurs et acteurs politiques a été élu en 2018 grâce à un accord avec l’ancien président, Joseph Kabila, était en quête d’une légitimité démocratique.
Fils d’Etienne Tshisekedi, principal opposant des précédents régimes et ancien secrétaire général de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti politique affilié à l’International socialiste, il entame son second mandat sur les fondations d’un bilan mitigé.
Ses mesures phares – la gratuité de l’enseignement primaire et des soins maternels -, ont fait l’objet de nombreuses critiques.
Surnommé Fatshi Béton, il s’est attelé à la construction de nombreuses infrastructures routières et scolaires ainsi que l’édification d’un centre financier de 290 millions de dollars, inauguré la veille du jour de l’élection.
Pour autant, la République démocratique demeure l’un des pays les plus pauvres au monde. En 2022, la Banque mondiale constatait que 62% des Congolais, soit plus de 60 millions de personnes, vivaient au-dessous du seuil de pauvreté et le pays termine l’année avec une inflation dépassant les 20%.
Le conflit à l'est qui s'enlise
A l’est, alors que le président avait promis de ramener la paix quelques jours après sa prestation de serment en 2019, le nombre de personnes jetées sur la route en raisons des différents conflits a atteint les sommets avec près de sept millions de déplacés internes selon les données des Nations unies.
Le Mouvement du 23-Mars, un mouvement politico-armé né sur les cendres des différentes rébellions tutsies apparues à la suite du génocide rwandais, a refait surface en novembre 2021, cristallisant ainsi les tensions avec le voisin rwandais qui, selon plusieurs institutions internationales, soutient les rebelles.
Si les recours diplomatiques avaient dans un premier temps été privilégié, ils ont été épuisés et la force est aujourd’hui la seule langue dont le président fait usage.
Un processus électoral difficile
Cette élection clôt un processus électoral laborieux, dont la faisabilité a été remise en doute jusqu’aux premières heures du vote.
Décaissements tardifs de la part du Gouvernement, retard dans l’acheminement du matériel, demande de soutien aérien de dernière minute. Les centres de vote ont finalement ouvert à 6h du matin le mercredi 20 décembre, la plupart dépourvus de matériel électoral.
Si les missions d’observations, tant nationales qu’internationales, saluent le calme relatif dans lequel le vote s’est déroulé, elles notent toutefois de nombreuses irrégularités.
Selon les conclusions préliminaires de la mission d’observation des églises catholique et protestante, 73,5% des bureaux ont ouvert en retard. "Nous avons tous noté qu’il y avait des difficultés", reconnaît Patrick Muyaya, ministre congolais de la Communication.
"Il y a eu des points où les bureaux ont ouvert retard, il y a eu des points où les machines sont arrivées en retard, il y a eu des points où les machines ont eu des problèmes", poursuit le porte-parole du Gouvernement.
Résultat, tandis que la loi électorale limite la durée du scrutin à une journée, certains bureaux de vote ont ouvert le 27 décembre note la déclaration préliminaire des églises.
"Je me demande ce qui est le moindre mal. Est-ce de permettre aux Congolaises et Congolais d’exercer leur droit constitutionnel de vote ? Ou aurions-nous dû tout arrêter comme le dit la loi ?", s'est défendu Denis Kadima, président de la Céni, dans une interview donnée à la DW.
"D’un part, une disposition de la loi donne des délais stricts. De l’autre côté, nous avons l’exigence constitutionnelle qui demande de donner à tous les Congolais le droit de voter. Lorsque nous avons des difficultés opérationnelles, c’est nous qui avons tort. Nous devons tout faire pour que les personnes lésées puissent participer au vote."
L'opposition conteste les résultats
Une brèche dans laquelle les différents leaders de l’opposition se sont engouffrés.
Eux qui n’ont jamais trouvé un terrain d’entente pour déclarer une candidature commune s’allient aujourd’hui pour demander l’annulation du processus électoral.
Lors d’une conférence de presse quelques heures avant la publication des résultats provisoires, Martin Fayulu a martelé qu’il "n’y a pas eu d’élections", aux côtés d’autres leaders de l’opposition et de leurs représentants. "Nous allons continuer de mener des actions de manière pacifique", a appuyé le candidat à la présidence Floribert Anzuluni.
"S’ils veulent contester, ils peuvent toujours saisir la Cour constitutionnelle", conseille le porte-parole du gouvernement congolais. Une option balayée d’un coup de main par Martin Fayulu. "Cette Cour n’est pas indépendante, elle est au servic de Mr. Tshisekedi ", fustige le candidat qui, en 2018, avait été proclamé président selon certains observateurs.