Le Prix allemand pour l'Afrique 2023 va aux Camerounaises
30 novembre 2023En effet, la Convention nationale des femmes pour la paix au Cameroun comprend aujourd’hui 80 organisations et près de 2.000 femmes issues des dix régions du pays.
Ce sont des femmes qui incarnent un mouvement unique en son genre qui encourage la paix et le dialogue face aux conflits armés qui secouent le Cameroun depuis plusieurs années. Selon les Nations Unies, le conflit a déjà fait au moins 6000 victimes, tandisque plus de 700,000 personnes ont été déplacées. Les organisations de défense des droits de l'homme emputent ces crimes aux deux parties belligerantes.
À l’annonce de cette nouvelle, le 7 juin 2023 à Yaoundé, Esther Omam, directrice exécutive de l’ONG, avait rendu hommage à toutes ses camarades de lutte.
"Je veux rendre compte de tous les efforts des femmes camerounaises bâtisseuses de paix, qui sont membres de la Convention nationale des femmes pour la paix. Nous savons que les femmes sont les premières à répondre aux crises chaque fois qu’il y a une guerre, chaque fois qu’il y a des conflits, chaque fois qu’il y a des crises. Et dans notre contexte, ce sont les femmes qui ont mené les premières actions civiles. Bien qu’elles soient les premières à en subir les conséquences, elles refusent d’être des victimes passives, elles refusent de jouer le rôle des victimes, elles préfèrent jouer le rôle de défenseuses de première ligne, celles qui vont au-devant des gens pour parler de la paix, pour négocier la paix", affirme Esther Omam.
Lors de la cérémonie de remise du Prix, Sally Mboumien, l'une des lauréates a souligné que "le Prix avait une grande signification pour elle et le travail que son organisation fait". "Cela nous aide à continuer dans ce sens, tout en servant nos communautés", a-t-elle ajouté
Qui sont les lauréates ?
Mme Mboumien est la fondatrice et la directrice exécutive de l'organisation Common Action for Gender Development (COMAGEND), qui œuvre pour la réalisation des droits des femmes et des filles en matière de santé sexuelle et génésique.
Son organisation soutient également les jeunes filles en leur offrant un espace où elles peuvent parler ouvertement de questions qui les touchent directement, comme la santé productive.
Esther Omam travaille dans le domaine de la coopération au développement et de l'aide humanitaire au Cameroun depuis plus de 20 ans. Elle a notamment travaillé pour les Nations unies et occupé des postes de direction dans des organisations de la société civile.
Actuellement, Omam est directrice de l'organisation non gouvernementale Reach Out Cameroon et membre du Conseil des sages de la Plateforme des femmes pour la paix.
Marthe Wandouest engagée dans la lutte pour les droits des femmes et des enfants depuis plus de 30 ans et est l'une des lauréates du Right Livelihood Award 2021. Dans leur discours d'acceptation, les lauréats se sont engagés à répondre aux problèmes de gouvernance qui affectent leurs communautés.
"Nous allons encourager davantage de filles et de femmes à ne pas considérer leur sexualité comme un inconvénient, mais plutôt comme quelque chose qui devrait leur donner les moyens de servir leurs communautés."
Aider les femmes et les enfants
La première Convention nationale des femmes pour la paix au Cameroun effectue intervient auprès des personnes déplacées, pour la protection des enfants, pour l’éducation, y compris dans les zones de conflit, ou s’investit encore contre les violences basées sur le genre.
Dans la région de l’Extrême-Nord, où le groupe terroriste Boko Haram commet depuis 2014 des attaques meurtrières et des enlèvements, Marthe Wandou, la juriste et militante qui a fondé, il y a près de 25 ans dans l’Extrême-Nord, l’ONG Action locale pour un développement participatif et autogéré se bat pour briser les préjugés culturels.
"Mon espoir est que toutes les filles et tous les garçons soient capables d’aller à l’école jusqu’au niveau où ils voudront, avec les connaissances et l’intelligence qu’ils ont pour avoir un bon niveau mais aussi avoir accès au travail", explique Marthe Wandou.
Elle ajoute que "culturellement, les gens se disent qu’une fille qui va à l’école ne sera pas une bonne femme, elle ne pourra plus avoir d’hommes qui veulent l’épouser, elle va prendre une grossesse… ça me fait mal parce que 40 ans plus tard, ce genre de stigmatisations, de préjugés continuent de prévaloir dans les villages".
Promotion de la paix et la réconciliation
Créé en 1993, le Prix allemand pour l'Afrique récompense des personnalités africaines qui s'illustrent dans les domaines de la paix, la réconciliation et d'autres actions au profit de la société.
Distinguer ces femmes camerounaises reviendrait ainsi pour Berlin à s'inscrire dans une stratégie de promotion de la diplomatie et de mieux faire connaître la crise anglophone, ainsi que le conflit causé par Boko Haram au Cameroun.
Même si des efforts restent encore à fournir pour mettre fin à tous ces conflits, Sally Mboumien, rapporteuse spéciale pour les violences basées sur le genre, se réjouit du travail qui a été fait jusqu’ici.
"C’est une victoire pour les artisanes de la paix au Cameroun et vis-à-vis de la guerre en général. Oui, nous avons été reconnues, oui quelqu’un a vu ce que nous apportons sur la table".
Un prix pour la résilience
"Le travail des femmes est généralement difficile en raison des polémiques qui l'entourent. Ce prix est donc une reconnaissance des efforts déployés par les femmes camerounaises pour répondre aux multiples crises qui secouent nos communautés", a fait savoir Mme Mboumien au micro de la DW.
La vice-présidente du Bundestag allemand, Katrin Göring-Eckardt, a salué le travail accompli par la première Convention nationale des femmes pour la paix au Cameroun depuis le début de la crise camerounaise.
"Ce prix est une reconnaissance de votre engagement à promouvoir la paix dans votre pays, le Cameroun", a déclaré Mme Göring-Eckardt aux femmes camerounaises lors de la remise du prix au cours d'une cérémonie qui s'est tenue à Berlin le 30 novembre,
"Aujourd'hui, vous recevez le prix et je tiens à vous remercier pour votre résilience malgré le conflit en cours dans votre pays et les difficultés que vous endurez".
Le Prix, une histoire d'excellence
Parmi les anciens lauréats du Prix figurent Sikhulile Moyo et Tulio de Oliveira, deux scientifiques sud-africains qui ont découvert la variante COVID-19 Omicron.
Daniel Bekele, chef de la commission éthiopienne des droits de l'homme, a reçu le prix en 2021 pour avoir défendu les droits de l'homme au plus fort de la guerre entre les forces éthiopiennes soutenues par des soldats érythréens et le Front populaire de libération du Tigré (TPLF) .
En 2020, la militante pour la paix somalo-canadienne Ilwad Elman a reçu le prix pour son projet de réintégration des enfants soldats et des orphelins de la guerre civile dans la société somalienne.
La Fondation allemande pour l'Afrique s'engage depuis 45 ans à renforcer les relations entre l'Allemagne et l'Afrique.