Pourquoi les pays du Golf investissent en Égypte ?
4 mars 2024Trente-cinq milliards de dollars en investissement direct, principalement via un projet de développement à Ras al-Hikma, sur le littoral méditerranéen près de la ville d'Alexandrie, dans le nord-ouest du pays.
S'il se concrétise, cet accord représenterait le plus gros investissement de ce type dans l'histoire récente de l'Égypte. Une aubaine pour le président Abdel Fattah al-Sissi. D'autant que l'enveloppe devrait permettre au Caire de remplir plus facilement les conditions fixées par le Fonds monétaire international pour l'obtention d'un autre plan de sauvetage censé stabiliser l'économie égyptienne.
Pourtant, tout le monde n'est pas aussi enthousiaste. Hossam el-Hamalawy est un chercheur et activiste égyptien qui vit Allemagne. Il publie régulièrement des lettres d'informations sur la politique égyptienne :
"Ce dernier projet s'inscrit dans un schéma suivi par le régime égyptien ces dernières années : Sissi emprunte à droite, à gauche pour financer infrastructures et mégaprojets, au service de ses décisions économiques mégalomanes et irrationnelles. La nouvelle capitale administrative en est un bon exemple. Il compte toujours sur le fait que les puissances régionales ou internationales finiront par le renflouer, fidèles à la devise "l'Égypte est trop grande pour faire faillite". Il joue donc sur cette corde, en essayant de lever le plus d'argent possible et d'emprunter encore plus afin de dépenser dans ces projets."
Et dépenser très vite... ce qui permet certes de gagner temporairement la confiance des investisseurs mais de l'avis des experts, ce dont le pays a besoin, ce sont des réformes sérieuses et profondes qui soutiendront l'économie sur le long terme.
Par ailleurs, la nouvelle station balnéaire qui doit voir le jour à Ras al-Hikma rencontre aussi des oppositions sur place : des habitants menacés de déplacement protestent tandis que des défenseurs de l'environnement sont préoccupés par le respect des normes en zone côtière.
Une longue tradition
Mais ils ont peu de chance d'empêcher le projet. Avec le conflit en cours dans la bande de Gaza, frontalière de l'Egypte, la stabilité économique et politique du régime al-Sissi est devenue une préoccupation essentielle pour ses voisins. Et puis ... ce n'est pas la première fois que ces derniers volent au secours du Caire : "les États du Golfe renflouent l'économie égyptienne depuis les années 1960 et c'est le pays qui a reçu la plus grande part de l'aide budgétaire directe" explique Camille Lons, chercheuse pour le Conseil européen des relations internationales.
Rien de très nouveau donc ... même si cette fois l'accord semble un peu plus précis, explique Hasan AlHasan, expert en politique du Moyen-Orient à l'Institut international d'études stratégiques :
"Je pense que ce qui est légèrement différent dans cet accord, c'est qu'il semble être un peu plus limité dans le temps que d'autres annonces d'investissements tape-à-l'œil des pays du Golfe à l'étranger. Nous avons déjà vu des rumeurs concernant de gros investissements mais très souvent sans horizon temporel précis, ce qui rend difficile le suivi des progrès par exemple. Cette fois-ci, les délais ont l'air d'être un peu plus serrés.
Une première tranche de l'investissement a d'ailleurs déjà été versée, selon le gouvernement égyptien. Le reste devrait arriver dans les deux prochains mois.
Avec la collaboration de Mohammed Farhan