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Le parti d'extrême droite allemand AfD a dix ans // Eleusis, ville grecque capitale européenne de la culture 2023

Vu d'Allemagne
8 février 2023

Le parti d'extrême-droite AfD fête ses dix ans d'existence en Allemagne. Depuis 2013, il a réussi à s'imposer au Bundestag et dans quinze des seize parlements régionaux. La partie reportage de ce magazine prend la direction de la Grèce : les habitants de cette ville ouvrière sinistrée avec un taux de chômage très élevé espèrent beaucoup des festivités de ville européenne de la culture.

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Nous sommes le 6 février 2013 : ce jour-là, l’AfD, Alternativ für Deutschland, Alternative pour l'Allemagne en français, voit le jour. "Wahlaternativ 2013", qui n'était qu'un mouvement politique, devient un véritable parti après un congrès fondateur, juste avant les élections fédérales de septembre 2013. Tout cela se fait notamment sous l'impulsion de Bernd Lucke, professeur d’économie à l’université de Hambourg. 

L'homme a quitté la CDU un an plus tôt, en désaccord avec la politique menée par la chancelière Angela Merkel pendant la crise de la zone euro. Ainsi, l'AfD se positionne à l'époque en premier lieu comme un parti anti-euro. Les cadres évoquent aussi déjà la thématique migratoire, mais cela est secondaire. L'AfD réunit alors les déçus de la droite traditionnelle et de nombreux professeurs, d'économies ou de finances. 

Leur discours porte : en septembre 2013 l'AfD obtient 4,7% des voix, frôlant la barre des 5% nécessaires à l'entrée au Bundestag en Allemagne. Le parti engrange rapidement des succès électoraux. Un peu plus d'un an après sa création, aux élections européennes de 2014, l'AfD obtient sept sièges de députés, avec un peu plus de 7% des voix. Fin 2014, après plusieurs votes régionaux dans les Länder allemands, le parti est présent dans trois parlements déjà.

Bernd Lucke, à droite, avec Alexander Gauland et Konrad Adam, deux autres figures du parti, en 2015
Bernd Lucke, à droite, avec Alexander Gauland et Konrad Adam, deux autres figures du parti, en 2015Image : Ingo Wagner/dpa/picture alliance

Des divisions internes

C'est à cette époque que la thématique migratoire prend de plus en plus d'importance au sein du parti. Fin 2014 éclate le mouvement anti-islam Pegida dans l'est de l'Allemagne. Alexander Gaulaud, un des membres fondateurs de l'AfD, parle alors de celui-ci comme d'un "allié naturel" du parti. Il multiplie les déclarations de ce genre, critiquant aussi, par exemple, les installations de centres pour demandeurs d'asile.

Banderole demandant le départ d'Angela Merkel et dénonçant les "mensonges" de partis politiques et des médias lors d'une manifestation de Pegida en 2015
Le mouvement Pegida, en français "Patriotes européens contre l’islamisation de l’Occident" a éclaté en 2014 dans l'est de l'AllemagneImage : picture-alliance/dpa/A. Burgi

Un positionnement qui ne plaît pas à tout le monde au sein du parti. De dissensions apparaissent au grand jour. Il y a des démissions, des exclusions, des affrontements publics... On se demande alors à l'époque si l'AfD ne va pas finir comme le NPD ou Die Republikaner, des partis d'extrême droit disparus au fil des ans les décennies précédentes. Mais le parti en pleine radicalisation tient. Il survit aux tensions, malgré les changements fréquents de direction. "L''AfD est un parti majoritairement divisé, sans cesse traversé par des luttes entre la direction et la base", explique aujourd'hui la politologue Ursula Münch.

Déclarations extrémistes, antisémites et racistes

Bientôt l'AfD fait de la critique de la politique migratoire d'Angela Merkel son cheval de bataille. Nous sommes en 2015, au moment de ce qu'on nommera la vague migratoire en Europe et le "wir schaffen das", "nous y arriverons" d'Angela Merkel au sujet de l'intégration des réfugiés, symbole de sa politique d'ouverture. "Un cadeau" pour le parti, dira un de ses cadres. L'AfD se radicalise davantage encore. Une élue propose par exemple d'éviter la migration aux frontières en défendant celles-ci avec des armes. En 2018, un autre cadre, Alexander Gauland, relativise l'holocause. "Une fiente d'oiseau dans un millénaire allemand glorieux", selon-lui. 

Réécouter → L'Allemagne, cinq ans après la "crise des réfugiés"

"Ces déclarations radicales sont plutôt bien accueillies par une partie de la population", explique Ursula Münch. "Dans l'idée de « On peut encore dire de telles choses chez eux », sous-entendu que dans d'autres partis on ne pourraient s'exprimer clairement. Sauf que ces déclarations soi-disant claires sont en partie au moins, purement et simplement extrémistes, antisémites et racistes". 

Succès électoraux

Une stratégie qui paie. Depuis 2017, le parti est entré au Bundestag. Il compte 78 députés aujourd'hui. L'AfD est aussi présente dans 15 des 16 parlements régionaux. Sa mise sous surveillancepar l’Office fédéral de protection de la Constitution (BfV) en 2021, le service chargé du renseignement intérieur outre-Rhin, n'a pas effrayé les électeurs.

Objectif gouvernement

En revanche, malgré ses scores et ses 80.000 adhérents, le parti ne fait partie d'aucun gouvernement, au niveau local ou national. Alors "nous voulons désormais faire partir d'un de ces gouvernements", explique à la DW la co-présidente du parti Alice Weidel. Elle vise pour cela les élections dans le Brandebourg, en Saxe et en Thuringe l'an prochain, en 2024. A un an de ces scrutins, en Thuringe et en Saxe, deux Länder de l'est du pays, les sondages donnent déjà l'AfD en tête des intentions de vote. 

Alice Weidel, à gauche, et Alexander Gauland, à droite, assis au Bundestag en novembre 2017
L'AfD est présente au Bundestag allemand depuis 2017 (à gauche : Alice Weidel, à droite : Alexander Gauland)Image : picture-alliance/AP Photo/M.Sohn

"Ils ont a effectivement la possibilité de devenir le groupe parlementaire le plus fort lors des élections régionales de l'année prochaine. Mais le fait d'être le groupe parlementaire le plus fort ne signifie pas encore que l'on a une option de gouvernement", prévient la politologue Ursula Münch. "La direction de la CDU au niveau fédéral y est fermement opposée et s'est clairement positionnée. Mais dans les fédérations régionales de la CDU, la situation est parfois différente. Beaucoup se demandent à haute et à basse voix pourquoi nous pourrions conclure des alliances avec les Verts ou le SPD, avec lesquels il y a des conflits permanents, et pas l'AfD qui ne serait « pas si mauvaise que cela... »"

En attendant l'AfD vient de fêter ses dix ans, avec un rassemblement. "Nous sommes venus pour rester et nous le ferons", a dit le co-président du parti Tino Chrupalla. Le même jour, commémorant les actions d'un groupe de résistance allemand pendant la seconde guerre mondiale, le président allemand Franck Walter Steinmeier appelait ses concitoyens à "s'engager pour la démocratie". "Ne croyez pas aux solutions prétendument simples ! Levez-vous et contestez lorsque des personnes sont attaquées dans leur dignité", a-t-il dit ce 6 février 2023. Franck Walter Steiner n'a cité personne directement, ni aucun parti. Mais alors que l'AfD fêtait ses 10 ans au même moment, beaucoup y ont vu une prise de position claire. 

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Engouement à Eleusis, ville grecque capitale européenne de la culture

Une femme sourit lors de la cérémonie d'ouverture des festivités de capitale européenne de la culture à Eleusis le 4 février 2023
Entre février et novembre, 465 événements et des centaines d'artistes de trente pays seront accueillis à EleusisImage : Vasilis Rebapis/ANE/Eurokinissi/picture alliance

La partie reportage de ce magazine vous emmène en Grèce, à Eleusis, ville à 20 kilomètres d'Athènes. Elle est cette année capitale européenne de la culture, avec Timisoara en Roumanie et Veszprem en Hongrie. Une aubaine pour cette petite ville ouvrière sinistrée avec un taux de chômage de plus de 15%. Pendant un an les festivals, expositions, récitals des quatre coins de l'Europe vont se succéder et devraient attirer des touristes. Sur place, notre correspondant Thomas Jacobi, raconte l'engouement des habitants.


Vu d’Allemagne est un magazine radio hebdomadaire, proposé par Hugo Flotat-Talon et Anne Le Touzé, diffusé le mercredi et le dimanche à 17h30TU, et disponible aussi en podcast. Ont aussi contribué à ce numéro : Peter Hille, Sandrine Blanchard, Thomas Jacobi, Michael Springer