Au Niger, une tentative de médiation mitigée pour la Cédéao
4 août 2023Quand Mahamat Idriss Déby s'est rendu au Niger, il a été reçu par le chef de la junte. Contrairement à la délégation de la Cédéao, quelques jours plus tard.
Me Bachirou Amadou Adamou, enseignant-chercheur et spécialiste du droit communautaire Cédéao, analyse cette attitude des militaires comme le signe que la junte n’entend pas entamer de dialogueouvert.
Selon lui, "quand la Cédéao demande certaines revendications comme le rétablissement de Mohamed Bazoum dans ses fonctions de président, il est évident que ce ton ne passe pas. Cet argument ne passe pas aux yeux de la junte. On peut considérer qu’on a atteint un point de non-retour et que la junte s’est inscrite inexorablement dans une transition qui est en train de se dessiner."
Des négociations sont-elles envisageables ?
Pour sa part, Doudou Sidibé, enseignant-chercheur en sciences politiques à l'université Gustave Eiffel Paris, rappelle que la Cédéao est dans son rôle. Dans sa charte, et plus précisément dans son article premier, tout changement anticonstitutionnel est interdit, de même que tout mode d’accession ou de maintien au pouvoir non-démocratique. Pour ce chercheur, il y aura forcément des négociations.
Doudou Sidibé estime que "la Cédéao doit, dans un premier temps, chercher à avoir de bonnes relations avec la junte pour pouvoir mettre en place des négociations. Ces négociations ne pourront pas uniquement se dérouler sur les conséquences du coup d'État mais plutôt sur les raisons du coup d'État. Les raisons évoquées sont l’incapacité des civils à gérer la situation sécuritaire qui s’est dégradée au Niger mais également la mal-gouvernance qui s’est installée."
"Attitude va-t-en-guerre"
Ce 4 aout, une centaine de manifestants originaires de plusieurs pays ouest-africains se sont réunis à Niamey pour protester contre toute intervention militaire au Niger.
La junte dénonce d'ailleurs les accords de défense passé avec la France depuis les années 1960. En face, Paris estime que seules les "autorités légitimes" du Niger seraient en droit de renoncer à ces accords, qui ont toutefois déjà été dénoncés aussi par des organisations de la société civile par le passé.
C’est le cas du coordinateur au Niger de la coalition Tournons la page. Pour Maikoul Zodi, "il faut dénoncer ces accords pour que le Niger retrouve sa souveraineté. Nous sommes d’accord pour le dialogue et pour le retour à l’ordre constitutionnel normal, mais c’est un problème interne au Niger. Il faut que les Nigériens se retrouvent autour d’une table pour négocier. Mais nous sommes contre [l’attitude] va-t-en-guerre de la communauté internationale. Nous savons que ce n’est pas la Cédéao qui est en train de prendre ces dispositions [de menace d’intervention militaire], c’est plutôt la France. Parce qu’en perdant le Niger, la France perdrait l’Afrique. Ils veulent déclarer la guerre à un Etat souverain juste pour préserver des intérêts. Nous n’accepterons pas cela."
Craintes d'un désastre humanitaire
Enfin, la Fédération Internationale pour les droits de l'Homme se dit préoccupée par les conséquences humanitaires des sanctions décrétées contre le Niger. Elle appelle la Cédéao à revoir ses sanctions afin de ne pas aggraver le sort des populations civiles nigériennes, premières victimes du coup d’État.