Niger : Interview exclusive de Mahamane Ousmane avec la DW
27 février 2021DW : Dans la nuit de mardi à mercredi dernier, vous avez rejeté les résultats rendus publics par la CENI (Commission Nationale Électorale Indépendante). Des résultats qui ont confirmé la victoire de Mohamed Bazoum. Vous vous réclamez vainqueur de cette élection présidentielle; confirmez-vous ces déclarations faites il y a quelques jours ?
Mahamane Ousmane : Oui. Au vu des résultats proclamés par la Cour, des résultats qui sont entachés de beaucoup d'irrégularités et de beaucoup de fraudes. Nos délégués à la CENI ont eu à relever ces irrégularités, mais malgré tout, les responsables de la CENI sont passés outre et sont allés déclarer des résultats, même si la CENI a dit que ces résultats étaient globaux et provisoires. Et même s'ils étaient provisoires, ces résultats auraient dû être validés par les différentes parties prenantes au sein de la CENI.
Nos délégués ont estimé que les faux qui leur ont été demandés de valider ne pouvaient pas l'être, parce que nos délégués sont sous serment confectionnel. Ils ont donc refusé de cautionner du faux. Nous, nous avons les résultats validés; et ce sont ceux-ci que nous avons annoncé publiquement pour effectivement estimer que la victoire est de notre côté. Donc je revendique la victoire dans le cadre de ces résultats globaux provisoires.
Nonobstant cela, il y a un certain nombre d'irrégularités que nous avons constatées, et nous allons utiliser les voies légales de recours qui nous sont offertes, de manière à améliorer davantage notre score. Des résultats provisoires et globaux sont annoncés : d'un côté, il y a ceux qui manifestent leur mécontentement et qui sont inquiétés; tandis que de l'autre côté, il y a ceux qui manifestent leur joie et qui sont protégés, soutenus et encouragés. C'est injuste et inéquitable.
DW : Monsieur le Président, l'opposant Hama Amadou (qui vous a soutenu lors de cette élection présidentielle) a été auditionné par la police judiciaire à Niamey. Il est accusé d'être à l'origine des troubles de ces derniers jours au Niger. Qu'en pensez-vous ?
Mahamane Ousmane : C'est une réaction de protestation contre ces actes que le pouvoir mène, en interpellant à tort et à travers nos militants, un certain nombre de dirigeants de l'opposition - dont Hama Amadou -, des leaders d'opinion, des membres de nos structures de campagne, des membres de la CENI aux niveaux régional et local, nos délégués au niveau des bureaux de vote, ou encore des superviseurs...
Pourtant, l'ensemble de ces personnalités dont je vous cite les qualités sont en train d'exercer leur rôle, en vertu de la loi. Par exemple, il y a certains de nos délégués qui ont été interpellés alors qu'ils sont en train d'amener un certain nombre de documents qui sont essentiels pour soutenir nos recours judiciaires légaux. Tout cela pour perturber le processus de dépôt de nos recours légaux. Comment voulez-vous qu'ils ne soient pas frustrés ? De l'injustice jaillit la frustration, et de la frustration naît la révolte.
DW : Les autorités nigériennes vous accusent (ainsi que l'opposition et ceux qui vous soutiennent) d'inciter la population à perprétrer des actes de vandalisme. La maison de notre confrère Moussa Kaka a d'ailleurs été en partie incendiée jeudi matin...
Mahamane Ousmane : L'origine de tout cela, ce sont les arrestations indûes, qui créent des frustrations. Et la frustration crée la révolte. Et la révolte crée l'insécurité. Il faut que ces arrestations cessent. D'après les chiffres dont nous disposons, il y a eu 467 arrestations à Niamey. Vous vous rendez compte ?
DW : L'organisation internationale de la francophonie, la Cédéao, l'ONU, la France, la communauté internationale appelle à la retenue et au calme au Niger. Qu'avez-vous à dire à vos partisans pour éventuellement les calmer ?
Mahamane Ousmane : Au niveau des actes commis par le pouvoir, ce sont nos partisans qui procèdent à des arrestations ou qui commettent des actes susceptibles de troubler l'ordre public ? Voilà l'enjeu, voilà le véritable problème : c'est un hold-up électoral qui est en cours, et nous ne l'accepterons pas. C'est le troisième ou quatrième hold-up électoral dans ce pays. Les gens en ont ras-le-bol. Ils veulent simplement que l'expression du suffrage de la population soit reflété dans ces résultats. La balle se trouve dans le camp du pouvoir. Il faut que ces arrestations cessent. Voilà de quoi il s'agit.
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