Des trolls russes piègent le vice-chancelier allemand
6 décembre 2023Cela aurait pu être un banal canular téléphonique. Une personne se faisant passer pour un représentant de l’Union africaine a appelé le ministre fédéral de l’Economie, Robert Habeck. D’après le ministère, la communication a été coupée plusieurs fois et la conversation était difficile.
Mais les auteurs de ce canular semblent être deux personnes réputées proches du Kremlin, Wowan et Lexus.
Ils ont publié sur la messagerie Telegram un enregistrement de quatre minutes qui, toujours selon le ministère allemand de l’Economie, serait un montage de l’appel.
Dans cet enregistrement, on entend Robert Habeck expliquer posément, en anglais, qu’il faut aider l’Ukraine à exporter ses céréales, en dépit des attaques russes.
Le contenu de la conversation
Les trolls auteurs du canular affirment que le ministre aurait tenté de "convaincre [les] hauts fonctionnaires africains" qu’il croyait avoir au bout du fil que "Poutine veut prendre l’Afrique et le monde entier en otage", d’où l’importance de "contrer les ambitions russes et chinoises sur le continent".
"La pression est le seul langage que comprend Poutine", aurait également déclaré le ministre, avançant cet argument en faveur d’un renouvellement du "deal céréalier" qui a permis d’exporter des céréales ukrainiennes par la mer Noire.
Alerte tardive du ministère
Les services de renseignement allemands auraient alerté le ministère peu après l’appel téléphonique que l’identité de l’interlocuteur était fausse... mais trop tard, donc.
Officiellement, aucune information confidentielle n’a été révélée lors de l’entretien.
D'autres victimes avant Habeck
Le duo russe a déjà piégé plusieurs fois de la sorte des responsables politiques étrangers, parmi lesquels Angela Merkel, l’ancienne chancelière allemande, ou Ben Wallace, l’ancien ministre britannique de la Défense.
Le président polonais Andrzej Duda et la Première ministre italienne Giorgia Meloni se sont fait aussi piéger par téléphone.
Au-delà du ridicule de la situation, ce faux appel remet en question la sécurité des services gouvernementaux allemands.
La guerre de la désinformation
D'autant que des hackers ont déjà piraté des sites internet ou les services informatiques d’institutions allemandes. Y compris, d’ailleurs, pour les services américains qui avaient espionné le téléphone portable d’Angela Merkel.
Un consortium international de journalistes d’investigation, Forbidden Stories, a déjà mis en évidence les activités de "l’officine de désinformation" israélienne Team Jorge ou encore le cyberespionnage à grande échelle de personnalités politiques ou de défenseurs des droits humains à travers le monde, par le biais de logiciels espions comme Pegasus.
Il se peut donc fort que Robert Habeck ne soit pas la dernière victime de ce type de campagne hostile.