Le journalisme à l'ère de la désinformation sur internet
5 novembre 2024L’Afrique de l’Ouest est particulièrement ciblée par les campagnes de propagande sur les réseaux sociaux. Des campagnes lancées en premier lieu par des soutiens à la Russie et à la Chine, même si d'autres acteurs politiques, nationaux ou étrangers, y participent également.
C’est le constat que dresse le média nigérien L’Événement. Dans son article en date du 4 novembre, il se réfère à des études de l’Africa Center ou de Reporters sans frontières notamment, qui recensent la vulnérabilité des Etats de la sous-région, et surtout ceux du Sahel, à la désinformation.
Cela a des répercussions directes sur le travail des journalistes locaux, déjà soumis à de fortes pressions politiques.
Pour en parler, suivez l'interview avec Hamadou Tidiane Sy ; il est le directeur de l’Ejicom, l'Ecole Supérieure de Journalisme, des Métiers de l'Internet et de la Communication, à Dakar, au Sénégal, et le fondateur du média Ouestaf.com.
Interview avec Hamadou Tidiane Sy
DW: Avez-vous, comme l'Evénement au Niger, constaté une recrudescence des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux ouest-africains ?
Oui, la région est devenue un champ de bataille géopolitique, y compris sur internet. Cela va de choses très élaborées à d'autres qui le sont un peu moins.
Il y a des gens qui le font par allégeance, par affinité, par affection, pensant qu'être du côté de la Russie ou du côté de la Chine pourrait libérer certains pays africains du joug des anciennes puissances coloniales.
Cela dit, il ne faut pas se leurrer non plus, les autres aussi font exactement la même chose pour soit se faire des alliés, soit pour en discréditer d'autres.
DW : Vous qui participez activement à la formation de jeunes journalistes, comment est ce que vous les préparez à faire face à cette désinformation qui circule beaucoup plus rapidement que ce à quoi on était habitué dans les médias traditionnels ?
Je crois qu'on parle beaucoup de désinformation. C'est devenu même un champ de recherche aujourd'hui. Et la première réponse pour les journalistes, c'est de les former au fact-checking.
Mais il faut dire que c'est insuffisant parce que les enjeux dépassent nos petits pays. Ce sont des enjeux géopolitiques très, très importants.
Aujourd'hui, je crois que tout le monde a compris que sur les réseaux sociaux, il est très facile de manipuler des masses et qui malheureusement, parfois, sont des masses ignorantes.
Au niveau du Ouestafnews, nous avons initié quelques projets, nous organisons des débats publics, nous faisons diffuser des messages par des radios partenaires sur les questions de désinformation.
Il faut sensibiliser les citoyens, enseigner l'éducation aux médias. Mais encore une fois, n'oublions pas ce n'est pas parce qu'il y a des pacifistes qu'il n'y a pas d'armes. La société doit chercher des réponses les plus adéquates possibles. Mais je crois que c'est un fléau qui est là pour rester encore un moment.
Il faut qu'on montre qu'il y a des journalistes sérieux qui travaillent, dire qu'il y a de l'information sérieuse.
Si les autorités veulent prendre à bras le corps cette question, il faudra qu'elles permettent à tout journaliste et à tout citoyen d'accéder à l'information publique de manière beaucoup plus facile.
Donc cela veut dire voter des lois. Et deuxièmement, faire de gros efforts pour l'éducation aux médias.
Mais là encore, il faudrait que les responsables politiques soient sincères puisque parfois ce sont eux-mêmes qui ont besoin des masses analphabètes pour mieux les manipuler et mieux arriver à leurs desseins politiques.