Massacre de Gatumba : à quand la fin de l'impunité ?
14 août 2024Jean Pierre Mujyambere est juriste. Il nous explique qu’il n’était pas sur place le jour du massacre mais s’y est rendu le 17 août 2004, le jour de des enterrements.
Selon les propos que lui auraient rapportés des témoins oculaires, les assaillants ont célébré les massacres en s’exprimant en swahili, lingala kirundi et kinyarwanda, ce qui pousse à croire explique Jean Pierre Mujyambere, que cela a été perpétré par une coalition.
Il précise que les victimes ont été sélectionnées sur la base de leur appartenance ethnique. Seuls les Banyamulenges dit-il, ont été attaqués : "Sur le champ, j’ai trouvé des corps calcinés, des gens brûlés, d’autres étaient coupés à la machette. 166 personnes ont été tuées dont la majorité étaient des enfants. Je m’en souviens et le traumatisme de ce jour-là reste gravé dans ma tête. Il est regrettable que jusqu’à présent personne n'ait été inquiété sur ces faits."
Des failles au niveau de la gestion sécuritaire du camp ?
Chris Davey est Professeur invité à l’Institut pour la prévention du génocide et des atrocités de masse à la Binghamton university aux Etats Unis. Il a l’habitude de travailler sur ces questions avec les survivants du massacre de Gatumba.
Pour lui, il y a eu une faille au niveau de la gestion sécuritaire due essentiellement au contexte qui prévalait dans la région : "Le management du camp était en transition entre l’Union africaine et les Nations unies. Il y avait même un poste de sécurité géré par l’armée burundaise. Et donc, l’échec dans la protection de ces civils réfugiés dans ce camp peut être imputé à la discrimination sur base de l’appartenance ethnique et le contexte sécuritaire qui prévalait en RDC. La guerre avait pris fin un an auparavant mais il y avait aussi le contexte de guerre civile qui se déroulait au même moment au Burundi."
Human Rigth Watch (HRW) qui a documenté ce massacre précise que les Forces nationales de libération (FNL), un mouvement rebelle à majorité Hutu, ont pris pour cible les réfugiés banyamulenges, un groupe souvent assimilé aux Tutsis,
Clémentine de Montejoye, chercheuse à la division Afrique de HRW explique que les forces armées burundaises ne sont pas intervenues : "Les recherches que nous avions effectuées à l’époque avaient révélé que non seulement les forces armées burundaises notamment la police et l’armée n’étaient pas intervenues pour mettre fin au massacre même s’il avait été perpétré à quelques centaines de mètres du camp militaire. Par ailleurs des soldats de la force de maintien de la paix des Nations unies n’ont pas pu protéger les réfugiés non plus car ils n’ont pas été informés de l’attaque avant qu’elle ne soit terminée."
Une dénonciation auprès de la CPI
Jusque là, précise Clémentine de Montejoye, les efforts de justice pour le massacre de Gatumba n’ont pas abouti : "C’est un processus de justice qui a été hautement politisé. En 2004, les autorités burundaises avaient émis des mandats d’arrêt contre deux dirigeants du FNL dont Agathon Rwasa, mais il n’a jamais été arrêté. Aujourd’hui, ces nouvelles plaintes représentent une opportunité importante de poursuivre les responsables de ce massacre et permettrait potentiellement aux proches des victimes et aux rescapés de clore ce chapitre."
Trois plaintes pour génocide et crimes contre l'humanité ont été déposées au Burundi, en RDC et au Rwanda, pays dont seraient originaires les auteurs présumés de ce massacre perpétré dans le camp de Gatumba.
Deux personnes seraient nomment citées : Agathon Rwasa, ex-chef des Forces nationales de libérations (FNL) et son porte-parole, Pasteur Habimana, qui avait revendiqué le massacre dans les médias puis affirmé que sa voix avait "été imitée" lors de la revendication sur une chaine de radio.
Une plainte a également été déposée auprès de la Cour pénale internationale (CPI).