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Pourquoi la situation s'envenime au Kenya

27 juin 2024

La police a encore ouvert le feu ce jeudi 27 juin, sur des manifestants. La génération Z se sent délaissée. Ces violences rappellent de mauvais souvenirs.

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Un homme torse-nu traîné à terre par des forces de l'ordre kenyanes (photo du 27 juin 2024)
Les manifestations sont violemment réprimées par les forces de l'ordre, à Nairobi et dans d'autres villes du paysImage : Monicah Mwangi /REUTERS

Dans la matinée [27.06.24], la police kényane a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes sur des manifestants dans la capitale, Nairobi.

Plusieurs dizaines de manifestants s'étaient dirigés vers le quartier central des affaires, en dépit d'un fort déploiement des forces de l'ordre. Alors, pourquoi est-ce que ce mouvement de protestation continue, alors que le président William Ruto a annoncé, hier, renoncer à l'augmentation des taxes qui ont mis le feu aux poudres ?

#GenZ

Tout est parti d'un projet de loi sur le budget, soumis aux députés. Le texte prévoyait des hausses d'impôts et l'introduction de nouvelles taxes sur des biens de consommation. Il a agi comme une étincelle dans un pays où la jeunesse se sent délaissée.

Au point que les appels à manifester, lancés par la "génération Z", ont été maintenus malgré la violence de la répression, qui a fait déjà plusieurs morts, et le retrait annoncé du projet.

La journaliste kényane, Winnie Kamau, revient sur le contexte social, marqué, dit-elle, par "la peur et l'anxiété" :

"Ils réclament le départ du président. Ils n'ont pas d'emploi, alors que ce sont des jeunes qui baignent dans les nouvelles technologies, qui utilisent internet, ont accès à l'information, mais restent sans emploi. […] Ils ont l'impression que le président ne répond pas à leurs véritables préoccupations."

De jeunes manifestants le poing en l'air à Nairobi (27 juin 2024)
La génération Z veut se faire entendre par les autoritésImage : Monicah Mwangi/REUTERS

Des tirs sur les manifestants

Winnie Kamau a assisté aux manifestations de Nairobi. Elle raconte que la situation a dégénéré lorsque la police s'est trouvée à court de gaz lacrymogènes et de canons à eau. Les forces de l'ordre se sont senties débordées par les contestataires qui voulaient prendre d'assaut le Parlement. D'où l'envoi de l'armée en renfort dès mardi. Mais aujourd'hui encore, les forces de l'ordre ont ouvert le feu pour disperser les manifestants. A balles réelles.

"Ils ont reçu la consigne de la part du gouvernement de tirer pour tuer."

Souvenirs de la colonisation, de 1982, 2007-2008...

La violence de cette répression rappelle de mauvais souvenirs aux Kényans plus âgés :

"Et là on voit des disparités entre les générations, racionte Winnie Kamau. Nos grands-parents ont connu la colonisation et nos parents le coup d'Etat manqué contre Daniel Arap Moi [en 1982]. Ils ont été témoins de la brutalité de la police et de l'armée. On a eu aussi les violences post-électorales [en 2007-2008]. Moi-même, je les ai couvertes à l'époque. Mais ça ne change rien à la situation actuelle. La jeune génération, la génération Z, n'a jamais fait l'expérience de ce type d'atrocités."

D'où leur disposition, que les générations antérieures ont parfois du mal à comprendre, à se sacrifier pour les causes qu'ils défendent.

Un écran géant retransmet l'annonce du retrait du projet par le président William Ruto (26 juin 2024)
Un écran géant retransmet l'annonce du retrait du projet par le président William Ruto, mercrediImage : James Wakibia/SOPA Images via ZUMA Press/picture alliance

Un espoir de justice

La Cour pénale internationale avait ouvert une enquête sur le rôle joué par le président actuel, William Ruto, lors des violences électorales de 2007-2008. Quatre charges de crimes contre l'humanité pesaient sur lui et un ancien présentateur radio, Joshua Arap Sang.

La Constitution du Kenya garantit le droit de manifester. La justice examine les conditions de la répression des civils, notamment dans les banlieues. Winnie Kamau a de l'espoir car aujourd'hui, les actes violents sont bien documentés.

Mais le dossier a été refermé pour cause de pressions politiques sur les témoins. Selon Winnie Kamau, cette procédure suspendue devrait toutefois faire réfléchir le chef de l'Etat : "Il va continuer à user de ce type de violences. Mais une chose est sûre : la communauté internationale suit la situation de près."

Winnie Kamau et d'autres témoins affirment que des civils seraient en train de s'armer pour protéger leurs biens si la situation venait à empirer. Sans que les autorités ne les en empêchent.