La Centrafrique sombre dans le chaos
15 octobre 2013Déjà à partir de 90 kilomètres avant la ville, tous les villages sont déserts, on ne voit que des maisons incendiées, des animaux qui errent çà et là et un silence absolu de temps en temps perturbé par des chants d'oiseaux. De temps en temps, on constate dans certains villages les traces manifestes de violences : maisons incendiées, habits et effets ménagers éparpillés sur le sol et parfois même, des cadavres en décomposition.
A 42 kilomètres de Bossangoa, on s'arrête dans un village et on aperçoit un homme qui essaie de redresser le fond d'une pelle avec un bâton. La conversation s'engage. On lui demande d'abord où sont les habitants du village :
« Ils sont encore dans la brousse. Vu la situation, ils vivent seulement grâce à des feuilles de manioc. » Il y a eu aussi des morts dans ce village, nous dit-il, mais combien ? « Je crois qu'il y en a une vingtaine. Certains sont morts dans la brousse.»
Au niveau de l'église catholique de Bossangoa, plus de 36 000 déplacés internes vivent dans des conditions déplorables et manquent de tout. En journée, les déplacés restent sur place sans rien faire. Les quelques courageux qui le peuvent sortent pour revenir avec des produits alimentaires qu'ils vendent sur un marché créé juste à côté de l'église. Un homme assis non loin de là se plaint de sa situation :
« Je suis ici depuis cinq jours parce qu'il y avait des menaces au niveau du quartier, aux champs. C'est ce qui nous a poussés à venir tous nous regrouper ici. Les sélékas, les musulmans et les peuhls nous ont attaqués. Ils ont pris des machettes, accompagnées par les fusils des sélékas. Ils ont brûlé nos maisons, nos localités. On vit comme des chiens abandonnés. On est affamés, les enfants aussi, car nous ne pouvons plus aller aux champs. Tout est détruit par les boeufs. C'est pour cette raison qu'on a décidé de tout abandonner pour venir ici. On est obligés de dormir par terre dans l'église catholique. »
Outre l'évêché de Bossangoa, les déplacés internes vivent également sur d'autres sites dans la ville. Ils se trouvent notamment à l'hôpital, non loin de l'évêché, ainsi que dans un camp de fortune aux alentours de l'aérodrome qui regroupe spécifiquement les peuhls, mais aussi dans une école publique qui accueille uniquement des citoyens musulmans.
Au niveau de l'école, Fané Moussa et son mari expliquent comment ils en sont arrivés là et comment ils vivent sur place.
« C'est à cause des rebelles que nous sommes ici... Ils avaient attaqué notre village et les militaires se sont affrontés avec eux. Ils en ont tué certains, d'autres se sont enfuis. Après on a entendu qu'ils sont en train de revenir et les militaires ont dit que comme il y' a des enfants, des femmes des hommes âgés, il faut que nous nous déplacions en ville, c' est pourquoi ils nous ont amenés à Bossangoa. Ici, nous souffrons beaucoup »
Son mari : « Là où nous sommes actuellement, comment allons-nous trouver à manger ? Au village, nous cultivons, le maïs, le manioc, nous avons de quoi manger nous et nos enfants. Mais ici à Bossangoa, nous ne sommes pas habitués à la ville, nous n'avons rien à manger. »
Du 6 au 8 septembre, mais aussi le 17, les hostilités ont eu lieu dans trois villages, y compris celui dont est originaire le président centrafricain déchu, François Bozizé. Les combats se sont ensuite déroulés dans le centre-ville de Bossangoa.
Ecoutez ci-dessous le reprotage de notre correspondant Benjamin Baramoto