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"Nous voulons tout remettre à plat" (Alexis Kamewe, SDF)

Reliou Koubakin6 mars 2024

Interview avec Alexis Kamewe, président de la branche européenne du parti d'opposition camerounais SDF.

https://p.dw.com/p/4dD2z

Au Cameroun, le gouvernement maintient la hausse du prix des carburants. Depuis un mois, le prix à la pompe a augmenté, avec pour corollaire l’augmentation du coût du transport. Les Camerounais sont mécontents.

Selon le parti d’opposition camerounais SDF, il y a pourtant des moyens pour l’Etat de renflouer ses caisses. 

Notre invité cette semaine pour parler de cette situation au Cameroun est Alexis Kamewe.

Président du SDF- Europe, il revient également sur une opposition divisée à un an de l’élection présidentielle au Cameroun.

 

Ecoutez ci-dessus l'interview d'Alexis Kamewe

 

DW : Comment expliquez-vous un pays comme le Cameroun, producteur de pétrole, doive faire face à la grogne des populations qui protestent contre a hausse des prix du carburant?

Le premier facteur que nous avons, c'est que, avec la crise que nous avons dans les régions du nord-ouest du sud-ouest, la raffinerie Sonara a été brûlée et depuis, le Cameroun importe du pétrole raffiné de l'extérieur.

L'Etat a installé un système, lequel système a mis hors de jeu certains services de stabilisation. Et [il y a] des personnes qui ne pensent qu'à leurs bénéfices.

Et ce système de traders, naturellement, favorise les rétrocommissions, c'est-à-dire des détournements en masse. Et le sommet de l'iceberg, c'est ce que nous voyons actuellement, avec des prix qui sont pratiquement parmi les plus élevés de la sous-région, et peut être même aussi, tout simplement, en Afrique.

Le parti que je représente, le SDF, s'est toujours insurgé de que nous ayons 27 axes dans le pétrole, autrement dit, que l’Etat est celui qui bénéficie le plus de la vente du pétrole.
 

Biocharbon et engrais biologique au Cameroun

DW : L'Etat a abandonné les subventions sur les produits pétroliers. L'Etat dit justement que c'est pour pouvoir financer d'autres projets, d'autres infrastructures. Vous appelez carrément, vous, SDF, à la fin de cette taxe… ou bien appelez-vous à ce qu'on n’abandonne pas ces subventions qui, quand même, représentent des milliards de FCFA ?

L'Etat ne subventionne pas le carburant ou les produits hydrocarbures au Cameroun. Ce que l'Etat fait, c'est qu’il a bâti beaucoup de taxation. Naturellement, si l'Etat abandonne deux ou trois taxes sur les 27 taxes, on ne peut pas appeler ça subvention. On appelle tout simplement cela la réduction des taxes.

Les produits hydrocarbures sont une manne pour l'Etat. Un Etat qui ne veut pas fournir beaucoup d’efforts pour avoir des taxes ailleurs.

Mais peut-être que le plus simple, c'est de réduire le train de vie, en commençant naturellement par le train de vie de la présidence camerounaise.
 

DW : Il y a une décision du gouvernement qui interdirait le voyage de certains de ses membres, justement, ce serait comme une mesure de réduction de train de vie de l'Etat. Qu’en pensez-vous ? Mesure cosmétique ?

Paul Biya en train de ranger ses lunettes dans la poche de sa veste (portrait, lors d'un sommet à Washington en décembre 2022)
Le SDF espère une alternance pour mettre fin, en 2025, à l'ère Paul BiyaImage : Jemal Countess/UPI/newscom/picture alliance

Les mesures sont très, très cosmétiques. Je pense d'abord que, avant de réduire les voyages à l'extérieur il est important que, dans un pays comme le nôtre, qui se retrouve avec une soixantaine de ministres, qu'on revienne à un nombre de ministères plus raisonnable.

Deuxièmement, il est très, très important de revoir les rémunérations de beaucoup d'employés de l'Etat. Nous avons des ministres ou bien des directeurs généraux qui toucheraient plus de cinq cents fois le SMIC ou le revenu moyen d'un Camerounais. C'est un scandale.


DW : Plus d'un an avant le scrutin présidentiel dans votre pays, l'opposition est divisée autour d'une candidature unique. Comment est-ce que le SDF se positionne sur cette question?

Le président [du SDF] Joshua Osih, qui est député à la Nation, sera prêt si jamais l'Union pour le changement, qui sera une coalition de la société civile et des partis politiques, lui demande de porter cette candidature et de porter ce programme.


DW : Vous dites que Joshua Osih, le président du parti SDF, est la personne indiquée pour porter une candidature unique de l'opposition. Est-ce ce que vous dites?

Ce que je dis, c'est que Joshua Osih est prêt, mais Joshua Osih ne s'impose pas aux autres.

Joshua Osih est un démocrate et il essaiera de réunir tout le monde.

Au sortir de ces consultations, sortira un candidat qui ira gagner l'élection contre le président actuel, Paul Biya.


DW : Un ancien de votre parti, Jean-Michel Nintcheu, a été radié pour indiscipline. Il appelait justement à une candidature unique derrière Maurice Kamto. Est-ce que Joshua Osih pourrait, par exemple, s'effacer au profit de Maurice Kamto ?

Nous n'envisageons pas une question de personne. Nous envisageons une question d'idéologie.

Si jamais nous sommes consultés et que des discussions aboutissent à cela entre le président Joshua Osih et le président Kamto, alors le SDF va tout simplement constater et suivre.

Pour l'instant, la coalition autour de Maurice Kamto ne nous a pas du tout contactés. Le SDF est très clair : nous pensons qu'il faut refonder le Cameroun, nous pensons qu'il faut remettre tout à plat, nous pensons qu'il faut une transition. Nous ne voulons pas remplacer un Biya par un autre Biya.