Industries extractives : le Cameroun de nouveau épinglé
5 mars 2024Le Cameroun est une nouvelle fois "suspendu" par l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie). Selon l'organisation, après évaluation des pratiques de ces trois dernières années, le Cameroun ne respecte pas pleinement certaines exigences en matière de transparence et de gouvernance.
Elle exige une meilleure implication de la société civile au processus de gouvernance des secteurs gazier, pétrolier, minier. Le Cameroun obtient ainsi un score global "assez faible" ce qui n'étonne pas l'avocat camerounais Akere Muna, ancien vice-président de Transparency International.
Me Akere Muna : Depuis quatre ans, j'enquête dans l'affaire Glencore, d'ailleurs mentionné dans le rapport litigieux. Et le fond, c'est ce qu'on découvre, qu'il y a eu toutes sortes de transactions bizarres dans cette affaire. Donc je pense que c'est un manque de transparence. Mais jusque là, n'est ce pas, malgré le fait que Glencore ait été condamné et en Angleterre et aux Etats-Unis et avec des sociétés camerounaises visées comme des gens qui ont été "bakchichés", jusque là, [il n'y a] aucune poursuite et le gouverement ne dit rien. Ce type d'opacité-là, je ne suis pas surpris.
DW : Justement, concernant l'affaire Glencore, l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) dit avoir d'importantes préoccupations quant à la crédibilité des efforts du Cameroun en matière de transparence. Ça dit tout...
Me Akere Muna : Ça dit tout exactement. Je m'évertue à sensibiliser les citoyens. J'ai tout fait, j'ai fait des dénonciations dans les tribunaux, j'ai écrit à notre Commission nationale de lutte contre la corruption qui ne m'a jamais reçu.
La seule personne qui semble bouger, je dois le dire, c'est le ministre de Finances au niveau de la direction des impôts. Et ça, c'est à féliciter. A part ça, vraiment, je ne sais pas si les gens ont peur, mais je peux conclure que ceux qui sont appelés à agir, ce sont des gens qui sont concernés.
DW : L'Itie dit également que les acteurs de la société civile ne sont pas suffisamment protégés contre les harcèlements, les intimidations et même des persécutions lorsqu'ils expriment leurs opinions sur la gouvernance des secteurs gaziers. Est-ce que vous sentez cette menace-là ?
Me Akere Muna : J'ai eu pas mal de menaces assez voilées, directes et par des intermédiaires. Mais voilà, à mon niveau, je suis un avocat qui a existé pendant 44 ans, qui est un ancien bâtonnier, donc je ne peux pas dire que je suis intouchable, mais pour les autres citoyens, ce n'est pas facile.
DW : Et cette suspension du Cameroun, c'est aussi un signe envers les auteurs de corruption et même les autorités aussi...
Me Akere Muna : Le ministre qui avait amené le Cameroun en 2007 avait pris une décision très réfléchie parce qu'il se disait que si on entre dedans, il y a des règles qu'on doit suivre et ça va nous permettre d'être disciplinés, en ce qui concerne l'exploitation de nos ressources, de l'industrie extractive. Mais que non, la corruption a augmenté et on a des gens maintenant aux affaires sans foi ni loi. La dette augmente, le pétrole augmente, c'est tout.