L'Union européennereste solidaire avec la République démocratique du Congoaprès que l'armée congolaise a affirmé avoir déjoué ce qu'elle a qualifié de tentative de coup d'Etatqui ciblait, le 19 mai 2024, la résidence de Vital Kamerhe. Les faits se sont déroulés quelques jours avant que celui-ci ne soit élu président de l'Assemblée nationale. Les assaillants, conduits par Christian Malanga, un ancien officier congolais, ont également occupé brièvement le palais de la Nation. Plusieurs d'entre eux, dont Christian Malanga, ont été tués et une quarantaine d'autres arrêtés, toujours selon l'armée.
Au cours d'une visite ce mardi (28.05.2024) dans les locaux de la Deutsche Welle à Kinshasa, Berlanga Martinez Nicolás, l’ambassadeur de l'Union européenne près la RDC, est revenu sur cette tentative de coup d’Etat. Il a également évoqué le sort de l’activiste Gloria Sengha, arrêtée le 17 mai, mais aussi la position de l'Union européenne vis-à-vis des tensions entre la RDC et le Rwanda. Le diplomate n’a pas hésité à rappeler qu’en matière minière, "au moins 80%" des minerais exportés par le Rwanda serait d’origine congolaise.
Berlanga Martinez Nicolás est interviewé par Jean Noel Ba-Mweze et Jonas Gerding
DW : Le 19 mai dernier, un groupe d’hommes armés attaque la résidence de Vital Kamerhe, actuel président de l’Assemblée nationale, avant de prendre brièvement le palais de la Nation, où travaille Félix Tshisekedi, le président de la République démocratique du Congo. Comment envisagez-vous la stabilité du pays ?
Etant un ami du Congo, la première chose, c’est de rejeter fermement toute tentative illégale, armée, violente de déstabiliser les institutions de la République. C'est inacceptable et je ne pense pas que cela soit bénéfique à la réputation internationale du pays, à la stabilité du payset même au développement économique, social et politique du pays.
Ce sont des aventures qui ont toujours un côté tragique, à cause des victimes.
Nous n’avons pas hésité à montrer tout de suite notre solidarité avec les autorités et après, à condamner de nouveau publiquement tous les types de déstabilisation des institutions.
DW : Cela fait douze jours ce 28 mai, que Gloria Sengha, une activiste, a été arrêtée avec d'autres. L'organisation internationale Human Rights Watch parle d'une répression de la liberté d'expression contre les défenseurs des droits de l'Homme, les opposants, les journalistes. Comment jugez-vous la situation ?
Pour l'Union européenne, la liberté de la presse, le droit à l'information, la possibilité de s'exprimer et d'appuyer aussi les défenseurs des droits de l'Homme, et de mettre les droits et l'Homme au centre de nos actions, c'est l’une des caractéristiques de notre présence dans le pays.
Nous sommes donc préoccupés par cette situation et je ne vous cache pas que nous avons entrepris quelques démarches pour une résolution rapide de cette situation. Mais je voudrais aussi vous rappeler que ce n'est pas, malheureusement, la première fois qu'on a dû intervenir dans ce sens. Le mois dernier (avril 2024, ndlr), on a dû aussi intervenir sur d'autres événements dont les caractéristiques étaient semblables.
Effectivement, on est très préoccupé et on suit de près la volonté de la RDC à continuer son chemin en faveur de la liberté de la presse et le droit à l'information. Je pense que ces questions devaient être résolues le plus vite possible.
DW : En février, des tensions ont éclaté quand l'Union européenne a signé un protocole d'entente sur les chaînes de valeurs durable pour les matières premières avec le Rwanda. Pour le président Félix Tshisekedi, cette entente encourage le Rwanda à piller les ressources congolaises. Pourquoi est-ce que l’Union européenne a signé cette entente avec le Rwanda ?
L'Union européenne ne cesse pas de signer, avec plusieurs pays africains, asiatiques ou même latino-américains, des protocoles d'entente semblables à celui qui a été signé avec le Rwanda.
En octobre 2023, l’UE avait signé un protocole semblable avec la RDC. Je dis "semblable" parce qu'il n'était pas identique.
Avec la RDC, évidemment, un partenaire stratégique pour nous, un pays qui a dans son sous-sol énormément de richesses minières, le protocole était beaucoup plus ambitieux : aller dans l’extraction, dans la transformation, dans la chaîne des valeurs, dans la transparence, la traçabilité, contrairement, par exemple, au protocole qu'on a signé trois mois après avec le Rwanda. Ce protocole se concentre surtout sur la traçabilité et la transparence.
Mais je comprends bien qu'au moment où on signait avec le Rwanda, il y avait encore, malheureusement, ces conflits dans l'est et cela a pu soulever des questions sur l’opportunité de la signature.
Un protocole d'entente n'est pas un engagement juridique, c'est une déclaration de volonté pour définir une feuille de route avec des projets concrets.
Avec la RDC, on a presque développé une feuille de route, on attendait la formation d'un nouveau gouvernement, pour que cette feuille de route, avec ses listes de projets, soit validée.
Avec le Rwanda, on prépare encore la feuille de route, mais contrairement à la liste des projets qu'il va y avoir sur la RDC, avec des engagements qui vont dans toute la chaîne de valeurs, pour le Rwanda, cela est concentré surtout sur la transparence et la traçabilité des minerais. Tous les rapports indépendants montrent qu'au moins 80 pour cent des minerais qui sont exportés par le Rwanda sont d’origine congolaise.
DW : Le président Félix Tshisekedi a toujours refusé de négocier avec le M23 qu’il qualifie de coquille vide. Il est plutôt prêt à négocier avec son homologue du Rwanda, Paul Kagame, mais à une condition : qu’il retire d'abord ses troupes du territoire congolais. Comment l'Union européenne apprécie-t-elle cette position du président Tshisekedi ?
L'Union européenne, le 5 mars, a fait une déclaration solennelle publique – pas seulement l’Union européenne, mais aussi les Etats membres de l’Union européenne. Dans cette déclaration, on demande clairement le retrait des troupes rwandaises qui sont sur le sol congolais, la cessation de l'appui que l'armée rwandaise donne au mouvement M23.
D'ailleurs on demande aux groupes armés présents dans l'est du pays, y compris les groupes armés congolais, d’arrêter ces actions armées, se retirer des zones occupées pour pouvoir contribuer aux efforts de démantèlement, de désarmement et de démobilisation qui sont en cours suite à différents processus de médiation africaine.