"Coup d'Etat manqué" en RDC : des questions subsistent
20 mai 2024Au lendemain de ce que l'armée congolaise présente comme unetentative de coup d'Etat, de nombreuses questions demeurent : pourquoi et comment les assaillants ont-ils pu s'introduire dans une zone parmi les plus sécurisées de la capitale. Des questions auxquelles les enquêtes en cours apporteront peut-être des réponses.
"Fatigués" des gouvernants actuels
"Mes frères, nous sommes fatigués. Nous les soldats, nous n’en pouvons plus, nous sommes fatigués. Si nous en sommes arrivés à nous lever ainsi, c’est parce que nous n’en pouvons plus, nous ne pouvons plus être gouvernés avec des gens comme Kamerhe, des gens comme Félix (Tshisekedi, ndlr). Ils ont fait beaucoup de mal à notre pays."
Enregistrée en direct au palais de la Nation de Kinshasa, on peut voir dans une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux, Christian Malanga le meneur du commando expliquer en lingala les raisons de leurs agissement.
Que voulaient ces hommes exactement, cinq mois après la réélection du président Félix Tshisekedi, à la tête depuis 2019de ce vaste pays d'Afrique centraleet au sous-sol très riche mais à la population majoritairement pauvre ? Et pourquoi l'assaut commence-t-il par le domicile du vice-Premier ministre en charge de l'Economie et probable futur président de l'Assemblée nationale, Vital Kamerhe ?
Les images du domicile du leader de l'UNC avec de nombreuximpacts de ballesont circulé toute la nuit de ce dimanche (19.05.2024).
Un nom : Christian Malanga
L'assaut a été mené par plusieurs dizaines d'hommes armés sous la conduite de Christian Malanga que l'armée congolaise affirme avoir neutralisé.
Que sait-on de Christian Malanga ? Né le 2 janvier 1983 à Kinshasa, le farouche opposant est passé par l'Afrique du Sud puis au Swaziland, avant de s’installer aux États-Unis. Il se présentait aussi comme étant un homme d’affaires et membre fondateur du parti politique Le parti des Congolais unifiés.
Après la résidence de Vital Kamerhe, les assaillants ont réussi à s'introduire dans l'enceinte du palais de la Nation où se trouve le siège de la présidence. Le politologue congolais Jean-Claude Mputu s'interroge encore sur le mobile de l'attaque.
"Ces gens-là avaient un agenda qui reste pour moi un mystère, et j’espère de tout mon cœur que dans les jours à venir, la justice fera son travail, que les services de renseignement feront le travail nécessaire. Et que les pays dont les ressortissants sont engagés feront un travail pour donner toute la vérité au peuple congolais parce que la nation a besoin de savoir ce qui s’est passé," confie Jean-Claude Mputu.
Craintes d'une pression sur les opposants
Car l'armée affirme que parmi la cinquantaine d'hommes arrêtés, il y a des ressortissants des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Dans la foulée de l'attaque, des acteurs de l'opposition ont dénoncé une fausse alerte. Devos Kitoko, secrétaire général du parti Ecidé de l'opposant Martin Fayulu a appelé la Monusco à protéger son leader, redoutant que le pouvoir s'en prenne désormais aux voix critiques. Une crainte que partage le politologue Jean-Claude Mputu.
"Ma crainte est que la loi soit de plus en plus bafouée, que la répression s’intensifie pour pouvoir instaurer un régime de plus en plus autoritaire, ce qui n’est juste pas admissible. Il est donc nécessaire que les autorités politiques, que le président de la République puissent convoquer la nation pour un moment de discussion, de vérité, parce que la nation a besoin aujourd’hui d’unité face à cette double agression : interne et externe."
Complicité au sein de l'appareil sécuritaire?
Pour le militant de la Lucha, Bienvenu Matumo, l’une des conclusions que l’on peut tirer à ce stade, c’est que les services de renseignements sont "poreux".
"Comment expliquer que les services de renseignement n’aient pas vu venir ce coup ? Comment est-ce que ces jeunes sont partis des États-Unis pour arriver à Kinshasa avec des munitions et des armes ? Soit, il y a une forme de complicité, soit, il y a défaillance totale des services de renseignements et cela devrait nous inquiéter tous, en premier lieu les institutions et aussi le président de la République."
Les États-Unis, dont des ressortissants sont cités parmi les assaillants, disent suivre la situation et condamner l'attaque.
En dehors d'être le siège du pouvoir, la zone attaquée abrite plusieurs ambassades et d'autres institutions stratégiques.
Les autorités de la République du Congo située sur l'autre rive du fleuve Congo affirment que des quartiers ont été touchés par des obus venant de Kinshasa.