L'illusion de la recette magique des prêts chinois
30 novembre 2021Ce mardi (30.11.2021) s'achève à Dakar au Sénégal, le Forum de coopération Chine-Afrique. C'est depuis l'an 2000 que ce forum est organisé. Cette année, il se déroule sur fond d'un certain scepticisme, notamment du côté africain où on s'interroge sur l'aide chinoise qui se traduit par un endettement des Etats.
Le ministre sénégalais de l'Economie, Amadou Hott, a ainsi demandé à la Chine une relation moins centrée sur la dette et profitant plus aux économies africaines. Mais selon Thierry Pairault, économiste et sinologue français, il y a un risque qu'à l'avenir, beaucoup d'autres pays africains tombent dans le piège de ce surendettement car ils ne peuvent plus obtenir de crédit d'institutions financières et n'ont d'autre recours que l'aide chinoise.
L'Afrique, partenaire marginale de la Chine ?
Thierry Pairault : Ce que j'ai pu voir jusqu'à présent ne m'incite pas à dire qu'il y a beaucoup de différence. Le Focac apparaît comme étant un instrument de la stratégie des routes de la soie.
En fait, on s'aperçoit que, économiquement parlant, les routes de la soie marginalisent l'Afrique. Les routes de la soie, c'est une route maritime traditionnelle qui va de la Chine à l'Europe. Elle passe à côté de l'Afrique mais ce n'est pas fait pour l'Afrique.
DW : Certains experts politiques estiment que si l'Afrique prend énormément de crédits de la Chine, c'est en quelque sorte parce qu'il n'y a pas d'autres choix. Quel est votre point de vue là-dessus ?
Thierry Pairault : L'Afrique aujourd'hui a un besoin considérable de financement et à l'heure actuelle, les institutions internationales ou les autres pays n'ont pas la possibilité de débloquer des sommes aussi importantes.
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Et surtout, la Chine débloque facilement ces sommes pour une raison dont on se rend compte aujourd'hui, c'est que les études de faisabilité, les études de rentabilité n'étaient pas faites ou étaient très mal faites.
Changement de stratégie
Donc on s'illusionnait sur les résultats et ça permettait d'obtenir rapidement des prêts. Aujourd'hui, la Chine commence à faire marche arrière en cette matière là en se rendant compte qu'elle a accordé trop facilement des crédits à des entreprises chinoises qui avaient des projets qui ne tenaient pas la route.
DW : La ministre sénégalaise des Affaires étrangères a demandé à la Chine une aide dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, alors qu'il y a d'autres puissances, notamment la France et la Russie. Qu'est-ce que cela veut dire ?
Thierry Pairault : Ce que l'on peut penser éventuellement, c'est que cette déclaration, c'est un marchandage à destination de la France et à destination éventuellement des pays occidentaux.
De toutes les façons, on sait que traditionnellement, la Chine n'aime pas se mouiller dans les pays où il y a une instabilité politique. Elle hésite à intervenir, mais on l'a bien vu avec l'histoire de l'Ethiopie, où elle a pour une fois, demandé le cessez-le-feu. Elle ne s'est pas du tout engagée.