Cellou Dalein Diallo fait confiance aux putschistes
7 septembre 2021Aux lendemains de la prise de pouvoir par des officiers des forces spéciales en Guinée, des voix de l'opposition guinéenne commencent à se faire entendre. Celle de Cellou Dalein Diallo par exemple, président de l'Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et principal challenger d'Alpha Condé à la dernière présidentielle.
Au micro de Bob Barry, il revient sur les raisons qui le conduisent à accorder sa confiance, au moins dans un premier temps, aux militaires putschistes.
Retranscription de l'entretien avec Cellou Dalein Diallo
DW : Bonjour, Cellou Dalein Diallo. Dix mois après la fermeture de vos bureaux et du siège social de l’UFDG, le parti dont vous êtes le président, vous avez pu vous y rendre lundi (06.09.21). Dans quel état avez-vous trouvé vos bureaux ?
Cellou Dalein Diallo : Écoutez, d'abord, je suis choqué de constater que tout a été saccagé. Ça sent un peu la haine et la brutalité du régime d’Alpha Condé mais je me réjouis de retrouver un bien qui appartient à mon parti et qui pourrait abriter une réunion. J’avoue que je ne comprends pas pourquoi tant de haine, de destruction inutile. M. Alpha Condé n'a pas eu besoin de passer ni par la justice, ni par l'administration pour perpétrer ce crime. Il n'y avait aucune base légale lui permettant d'interdire l’accès à ces bureaux depuis bientôt plus de dix mois. Donc ça va, je me réjouis de retrouver mes bureaux. Maintenant, je vais voir ce qui a été détruit et arraché. Je vais faire venir un huissier pour faire le constat.
DW : La situation socio-politique a beaucoup changé en Guinée depuis dimanche (05.09). Le président Alpha Condé a été capturé par des soldats qui sont allés le prendre dans son palais présidentiel. Et vous avez pris acte de ce coup d'Etat militaire. C'est bien le cela ?
Cellou Dalein Diallo : Oui, c’est bien le cas oui.
DW : Pourquoi acceptez-vous cette prise du pouvoir par l’armée ?
Cellou Dalein Diallo : Évidemment, c'est contraire à mes convictions, mais nous sommes devant une situation où Alpha Condé s'est emparé du pouvoir en violant la Constitution, en violant son serment, en foulant aux pieds toutes les règles et les principes de la démocratie et de l'État de droit.
Tous les recours ont été utilisés. La communauté internationale a été sollicitée, elle n'a pas pu ou voulu parfois infléchir sa position. La rue a été utilisée, les manifestations pacifiques ont été réprimées dans le sang, on a tué des Guinéens innocents qui ne faisaient qu'exercer leur droit constitutionnel, celui de marcher dans les rues et sur les places publiques. Ils ont tué à N’zérékoré près de 40 personnes qui ont été enterrées nuitamment. Toutes ces personnes, tous ces citoyens n'ont pas eu droit à la justice, à la compassion et à la réparation.
On a fait recours à tout sans succès. La justice est inféodée, elle n'a jamais dit le droit. Alpha Condé avait toujours raison, l'opposition a toujours tort. Des centaines de milliers de personnes ont été arrêtées, jugées et condamnées alors qu'elles étaient innocentes. Si tous les recours ont été utilisés sans succès et que l'armée, par un sursaut patriotique décide de nous débarrasser de cette dictature qui n’a aucun égard pour la vie humaine, pour les droits et libertés des citoyens et la démocratie, et bien, on ne peut pas ne pas quand même reconnaître que c'est un acte patriotique.
DW : Ne craignez-vous pas une confiscation du pouvoir par les militaires ?
Cellou Dalein Diallo : Oui, c'est sûr que j'ai des craintes puisque très souvent, les militaires, pour prendre le pouvoir par la force, déclinent des motifs liés à leur volonté de lutter contre la corruption et prennent souvent l'engagement de remettre le pouvoir aux civils après l'organisation d'élections libres et transparentes. Mais parfois, ils ont pris beaucoup plus de temps qu'il ne faut. Parfois, ils ont ôté la tenue militaire pour se maintenir au pouvoir.
Cela dit, pour le moment, moi, je considère que c'est un acte patriotique qui a été posé et jusqu'à preuve du contraire, je crois à l'équipe du lieutenant-colonel Mamady Doumbouya. Je pense que les militaires vont tout faire pour organiser très rapidement des élections libres et transparentes pour donner enfin au peuple de Guinée la possibilité de choisir ses dirigeants.
DW : Qu'allez-vous faire pour éviter le scénario de 2009, lorsque le capitaine Dadis Camara était au pouvoir ?
Cellou Dalein Diallo : Écoutez, le risque existe mais pour le moment je fais confiance au lieutenant-colonel Mamady Doumbouya et à son équipe. J’espère qu'ils ne vont pas répéter la même chose sachant ce que cela a coûté à la Guinée. On se souvient encore du 28 septembre 2009. C'est un contentieux qui n'a pas été encore vidé. On attend toujours que la justice fasse son travail dans ce dossier.
DW : Avez-vous déjà rencontrés le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya? Le connaissiez-vous ?
Non, je ne le connais pas. Je ne l'ai pas rencontré non plus.