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Abidjan et Paris : un tournant dans la coopération militaire

2 janvier 2025

Face aux vents souverainistes en Afrique de l'Ouest, la Côte d'Ivoire redéfinit sa coopération militaire avec la France. Décision souverainiste ou stratégie entre Ouattara et Paris ?

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Des soldats de l'armée  française.
Le camp du 43e BIMA, le bataillon d'infanterie de marine de Port-Bouet (une commune d'Abidjan), sera rétrocédé aux forces armées de Côte d'Ivoire dès ce mois de janvier 2025.Image : Dominique Faget/AFP

La décision annoncée par le président ivoirien, Alassane Ouattara, suscite diverses interprétations. Pour Seidik Abba, analyste et président du Centre international de réflexion et d’études sur le Sahel, deux facteurs clés – internes et externes – expliqueraient cette décision.

"Il y a des considérations de politique interne, car, comme on le sait, la Côte d'Ivoire s'approche d'une élection présidentielle en 2025 entourée de nombreuses incertitudes. En outre, dans le contexte sous-régional, un vent souverainiste souffle actuellement. Les autorités ivoiriennes semblent avoir voulu prendre les devants pour affirmer leur adhésion à cette revendication souverainiste en faisant cette annonce."

Décision prise d'un commun accord

Pour d'autres analystes, la solennité de l’annonce par Alassane Ouattara indique que la décision aurait été prise d'un commun accord entre la France et la Côte d’Ivoire. Seidik Abba note que, compte tenu des expériences récentes de la France au Sénégal et au Tchad, Paris a cherché à éviter toute surprise :

"Le fait que cette question ait été discutée en amont arrange à la fois la France et la Côte d’Ivoire. Cela permet à chacun de sauver les apparences tout en montrant que la Côte d’Ivoire s'inscrit dans cette dynamique souverainiste constatée dans la région."

Le président Alassane Ouattara et son homologue Emmanuel Macron de France.
La France a décidé de reconfigurer sa présence militaire en Afrique, après avoir été chassée de trois pays sahéliens gouvernés par des juntes hostiles à Paris, le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Image : picture-alliance/Anadolu Agency/C. Bah

Le mois dernier, le Sénégal et le Tchad avaient demandé, à quelques heures d’intervalle, le départ des militaires français de leur territoire et officialisé une réorganisation de leur présence. Cette rapidité a surpris la France, selon Alex Vines, directeur du programme Afrique à Chatham House :

"La France a été prise de court par la rapidité de son retrait du Tchad. Elle prévoyait un retrait progressif et espérait maintenir une présence réduite. Mais désormais, Paris doit accélérer ses plans."

La France ne part pas totalement

Certainement, afin d'éviter une surprise similaire dans le futur, Paris aurait conclu cet arrangement avec Abidjan, estime l’analyste politique Seidik Aba. Toutefois, il souligne que, dans le cas ivoirien, il ne s’agit pas d’une dénonciation des accords de défense, comme cela a été le cas dans les pays du Sahel et au Tchad, mais plutôt d’une rétrocession :

"La coopération militaire entre la France et la Côte d’Ivoire va se poursuivre. Il y aura toujours des coopérants militaires français dans le pays, notamment pour des échanges et des formations. La rétrocession ne met pas fin à cette collaboration, car il ne s’agit pas d’une rupture de l’accord."

La Côte d’Ivoire reste un allié stratégique de la France en Afrique de l’Ouest. Jusqu’à présent, environ 1 000 soldats étaient déployés au 43e BIMA, jouant un rôle crucial dans la lutte contre les jihadistes qui sévissent au Sahel et dans le nord des pays du golfe de Guinée.