Après la mort de Déby, le problème de sa succession
20 avril 2021C'est donc au lendemain de la proclamation des résultats de la présidentielle tchadienne, et donc de la réélection avec plus de 79% des suffrages d'Idriss Déby Itno, que les Tchadiens ont appris la mort de leur président. Officiellement, le chef de l'Etat serait décédé des suites de ses blessures, après être monté au front pour appuyer l'armée dans la lutte contre les rebelles. Et c'est une situation inédite qu'est en train de vivre le Tchad.
Idriss Déby Itno est l'homme qui est resté le plus longtemps au pouvoir dans le pays.
Un certain flou entoure les circonstances de sa mort. Depuis samedi, et surtout depuis hier soir, les rumeurs allaient bon train sur les réseaux sociaux. Mais la nouvelle du décès d'Idriss Déby est telle pour beaucoup de Tchadiens, qu'il leur a fallu attendre la confirmation officielle pour y croire.
Jacques Nguarassal, coordinateur du collectif Tournons la page, témoigne depuis N'Djamena de la crainte de certains de ses concitoyens qui fuient la capitale :
"Il y a des gens qui fuient le centre-ville pour passer le fleuve car ils craignent les règlements de comptes. Il partent vers le sud du pays ou le Cameroun. D'autres veulent rester hors de N'Djaména pour voir ce qui va se passer durant les jours à venir."
Ce que dit la constitution
La Constitution tchadienne révisée en 2005 prévoit dans son article 76 qu'en cas de vacance de la présidence de la République, il revient au président de l'Assemblée nationale d'assumer la plupart des attributions du président. Et que "Dans tous les cas, il est procédé à des nouvelles élections présidentielles quarante-cinq jours au moins et quatre-vingt dix jours au plus après l'ouverture de la vacance."
... mais d'autres annonces ont été faites
Quelques heures seulement après la confirmation du décès d'Idriss Déby Itno, c'est l'un de ses fils, Mahamat Idriss Déby, dit Mahamat Kaka, qui a été chargé de présider le conseil militaire qui organisera l'entre-deux. Ce conseil a déjà promis des élections "libres et démocratiques" à l'issue de 18 mois de transition.
Lire aussi : Tchad : mort du président Déby, mise en place d'une transition militaire
Le Conseil militaire de transition mis en place aujourd'hui affirme garantir "l'indépendance nationale, l'intégrité territoriale, l'unité nationale, le respect des traités et accords internationaux et assure [donc] la transition pour une durée de 18 mois".
Mais étant donné les incursions de mouvements armés qui ont connu ces derniers jours une recrudescence, en vue de déstabiliser le régime Déby, le choix d'un fils du président défunt pour gouverner, même pour quelques mois seulement, ne convient pas à tous les Tchadiens.
Organiser un dialogue national
Faustin Facho Balaam, ancien ministre sous Hissène Habré qui vit en exil et est un opposant de longue date d'Idriss Déby, souhaite plutôt l'organisation d'une conférence nationale, un peu sur le modèle sud-africain : "Je crois que ce n'est pas le moment pour régler les comptes aux gens. Il faut voir comment créer une atmosphère de paix et voir comment régler les choses par étapes. Et ensuite, comme l'Afrique du Sud a fait, on aurait un jugement qui dirait voilà ce qu'untel a fait ou n'a pas fait. Il faut organiser une conférence qui inclue tout le monde, y compris ceux entrés en rébellion.Et ensuite, qu'il y ait un gouvernement mixte société civile/politiques qui organisent des élections véritablement libres et démocratiques."
L'opposant historique Saleh Kebzabo a quant à lui renouvelé son appel à un dialogue inclusif dans une allocution en direct sur Facebook. "Nous devons faire preuve d'unité" a déclaré le leader de l'UNDR qui avait retiré sa candidature à la présidentielle du 11 avril.
Lire aussi : Tchad : les libertés menacées, l'Onu appelle au dialogue
Craintes pour la paix civile
Organiser un dialogue national qui inclue vraiment tout le monde, c'est aussi ce que réclament plusieurs organisations de la société civile, dont le collectif Tournons la page. Son coordinateur national, Jacques Nguarassal déclare ainsi : "On parle de dix-huit mois mais après ils peuvent changer les données en plein match. Nous appelons donc à ce qu'il y ait un gouvernement avec tous les acteurs de la vie publique tchadienne. Il faudrait qu'il y ait une ouverture. Même ceux qui sont en colère, qui ont pris les armes. Il faut s'asseoir à une table pour dessiner l'avenir du Tchad. Pendant soixante ans, on n'a connu que la guerre. Les gens vivent une psychose qui ne dit pas son nom car tout le monde a peur que des gens sortent pour contester le choix d'un fils du président Déby pour diriger la transition. Est-ce que cela peut passer pacifiquement ? C'est notre crainte."