Mali : le retrait de la Bundeswehr se précise
15 février 2022"Si les élections sont repoussées de quatre ou cinq ans, ce n'est pas une base pour un nouvel engagement allemand." C'est en ces termes que Christine Lambrecht s'est exprimée au sujet de la présence de la Bundeswehr au Mali.
La ministre allemande de la Défense, qui est issue du SPD, a également jugé "totalement inacceptable" toute coopération entre le gouvernement malien et des mercenaires russes.Selon elle, "l'idée que des soldats maliens soient entraînés par nos femmes et nos hommes à l'EUTM et coopèrent ensuite avec des mercenaires russes est impensable".
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Christoph Hoffmann est député du FDP et président du comité Coopération économique et développement au Bundestag, le parlement allemand. Selon lui, la mission des forces internationales, dont les soldats allemands font partie, n'est de toutes façons pas efficace.
"La plupart des soldats allemands sont dans la Minusma. Cette mission va probablement imploser (...). Si la France termine cette mission (se retire), il reste deux options à l'Allemagne. Numéro un, partir avec les Français ou numéro deux, commencer à faire la même chose (lutter contre le terrorisme) avec leurs moyens. Si les Européens peuvent faire une meilleure offre plus efficace, le Mali va accepter. Je crois que l'Europe ne peut pas laisser tomber toutes les missions car cela va laisser un vide qui va profiter aux Russes ou aux Chinois, ou encore aux islamistes " précise Christoph Hoffmann au micro de la DW. Le député prône le dialogue pour trouver une solution.
L'Allemagne bien vue au Mali
Pour l'ONG allemande Welthungerhilfe, active au Mali, Berlin ne doit pas tourner le dos au pays en dépit de la complexité de la situation. L'ONG recommande au gouvernement allemand de jouer le rôle de médiateur entre le Mali et les acteurs régionaux mais aussi internationaux, notamment européens.
Mahamadou Issoufou-Wasmeier, le directeur régional Afrique de l'Ouest, centrale et Caraïbes de l'ONG, explique que c'est "un développement intégré qui permet d'accompagner le Mali dans toutes ses démarches de développement".
Selon lui, "l'Allemagne a une bonne image, autant par les actions de développement bilatérales que par les actions de différentes organisations internationales. Un autre facteur est que l'Allemagne n'a pas d'histoire coloniale au niveau du Mali…", précise t-il.
Depuis les deux coups d'Etat au Mali et l'émergence des tensions entre Bamako et Paris, les autorités allemandes sont en contact régulier avec les autres pays européens présents dans le pays.
Mercredi 16 février 2022, le président français Emmanuel Macron organise un mini-sommet qui doit réunir plusieurs dirigeants européens et africains impliqués dans la lutte contre le terrorisme au Sahel.
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Au Mali, on s'interroge sur les intentions de Berlin
Les Maliens s’interrogent sur l’attitude de l’Allemagne en ce qui concerne le maintien de ses soldats au Mali.
L'Allemagne compte à ce jour près de 1.500 soldats présents sur le sol malien. Ceux-ci se trouvent engagés au sein de la mission de l'Onu au Mali (Minusma) avec un effectif d'un millier d'hommes, et au sein de la mission de formation de l'union européenne au Mali (EUTM) à travers environ 300 instructeurs qui renforcent les capacités de l'armée malienne.
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Un possible retrait des troupes allemandes ne serait toutefois pas une surprise pour Moussa Ben Deka Diabaté, acteur de la société civile malienne. Il pense que l’Allemagne suivra la décision de la France.
"Est-ce-que la démocratie est l'apanage du Mali ?", se demande t-il avant de poursuivre : "la démocratie n'est pas notre problème, c'est la gouvernance plutôt qui est notre problème. La deuxième chose : si les militaires allemands se retirent du Mali c'est très bien. Ce que les gens n'ont pas compris, c'est que la France parle tout le temps en disant la France, l'Union européenne etc... Mais la France coopte des pays à côté d'elle pour l'aider à tricher et à voler dans les ressources de l'Afrique."
Pour Amadou Maiga, enseignant-chercheur et premier secrétaire parlementaire du Conseil national de transition (CNT), l'Allemagne, premier pays à reconnaître le Mali indépendant, devrait toutefois analyser la question de sa présence militaire sur le sol malien avec précaution : " Le Mali a un besoin de refondation, un besoin de réforme et bien entendu un besoin de lutte contre l'insécurité. L'Allemagne est restée assez longtemps aux côtés du Mali pour essayer vraiment d'aider ce pays frère qu'est le Mali. Je pense qu'il serait bien que l'Allemagne continue dans ce sens-là, en envoyant des émissaires discuter avec Bamako et regarder éventuellement ce qu'il y a lieu de faire avant de décider quoi que ce soit. Je pense que l'Allemagne doit aussi se désolidariser de certains pays qui essaient d'entraîner l'Europe dans ses propres combats qui ne reflètent pas la réalité du Mali, qui ne reflètent pas non plus la réalité de l'Afrique", précise t-il.
L'annonce de Christine Lambrecht, la ministre allemande de la Défense, sur un possible désengagement militaire du Mali, intervient avant la décision du Bundestag, le parlement allemand, qui se réunira en mai prochain autour de l'avenir des troupes de la Bundeswehr sur le territoire malien.