Vaccin anti-coronavirus : premier arrivé, premier servi ?
15 mai 2020"Les Américains pourraient obtenir le vaccin de Sanofi contre la Covid-19 avant le reste du monde si le géant pharmaceutique français réussit à le produire". Voilà comment Bloomberg résume son interview avec le directeur général du groupe, dans laquelle Paul Hudson explique que "le gouvernement américain a le droit de passer la plus grosse précommande parce qu'il investit dans la prise de risque".
Depuis leur publication mercredi (13.05), ces propos suscitent des débats sur une série de questions. Tout d'abord d'ordre moral : peut-on donner la priorité au plus offrant lorsque l'on parle d'une pandémie et d'une crise mondiale ?
En France, où l'affaire est d'autant plus passionnelle que Sanofi est considéré comme un fleuron national, la scène politique parle d'un seul homme. A commencer par le chef de l'Etat Emmanuel Macron, pour qui "le vaccin doit être extrait des lois du marché" et "accessible le plus rapidement possible et disponible pour tous rapidement".
De Paris à Bruxelles, le son de cloche est le même. Un vaccin contre le nouveau coronavirus "doit être un bien d'utilité publique et son accès doit être équitable et universel", a réagi jeudi la Commission européenne.
Les Etats-Unis en avance
Depuis cette levée de boucliers, Sanofi s'emploie à arrondir les angles. "L’objectif est que le vaccin soit disponible à la fois aux Etats-Unis, en France et en Europe de la même manière", a dit le patron du groupe pour la France à la télévision française.
Celui-ci a néanmoins ajouté que cela ne sera que possible "si les Européens travaillent aussi rapidement que les Américains."
Voilà qui amène à la deuxième question suscitée par cette course au vaccin. Quelles sont les conditions pour être dans les starting-blocks ? Car si l'OMS a réussi à récolter 7,4 milliards d'euros de contributions à la recherche à travers une levée de fonds mondiale organisée début mai par la Commission européenne, Washington s'est abstenu, préférant faire cavalier seul.
En réalité, lorsque les Européens annonçaient l'organisation de ce "téléthon" mondial censé garantir un accès équitable au vaccin, les Etats-Unis avaient depuis longtemps déjà mis la main au portefeuille.
Dès le 18 février, Sanofi avait annoncé la signature d'un partenariat avec la Barda, une autorité de recherche et développement dépendant du ministère américain de la Santé. Les Etats-Unis ont ainsi investi 30 millions de dollars pour soutenir les recherches de Sanofi.
Un autre mastodonte du secteur pharmaceutique, Johnson & Johnson, avait également annoncé dès la fin mars un investissement massif en partenariat avec la Barda de plus d'un milliard de dollars pour trouver un vaccin.
Pas de vaccin avant un an
Enfin, la Barda a débloqué près de 500 millions de dollars pour soutenir les recherches de Moderna, une autre entreprise qui travaille sur un éventuel vaccin.
Le développement de celui-ci a d'ailleurs obtenu le statut de "fast track" (voie rapide) des autorités sanitaires américaines, pour accélérer les procédures réglementaires et une éventuelle mise sur le marché.
C'est justement cette réactivité qui manquerait à l'Union européenne, ralentie selon certains experts et politiques par des lourdeurs règlementaires et des décisions qui se prennent à 27.
En attendant, selon l'OMS, mais aussi la perspective la plus optimiste de l'Agence européenne du médicament, la disponibilité d'un vaccin n'est pas prévue avant un an.
A travers le monde, plus d'une centaine de projets sont en cours pour tenter de trouver un remède contre la maladie. Une poignée en est au stade des essais cliniques.
En Europe, les essais cliniques sous le nom de Discovery, lancés fin mars pour tester quatre traitements sur des malades de la Covid-19, semblent piétiner selon des chercheurs.