Un voyage nostalgique et lumineux à Douala
9 mars 2011"Silikani" est un livre nostalgique sans être amer. On est constamment entre le présent et le passé, entre Marseille et la Cameroun. Et Eugène Ebodé a un vrai talent pour jouer avec ce décalage. Il a une façon très intéressante de faire varier les temps, de jouer avec les règles imposées, ce qui rend son récit vraiment vivant.
On est littéralement emporté avec ses personnages, dans cette ville de Douala au milieu des années 1980. Il y a le narrateur : Eugène, ce jeune Camerounais. Et autour d’Eugène, il y a trois personnages féminins omniprésents : sa mère, Magrita, sa fiancée, Chilane, et la pétillante Silikani, la meilleure amie de Chilane, qui donne son nom au roman.
Une terrible nouvelle
L’histoire commence dans le présent. On est à Marseille, le téléphone sonne. Eugène sent que c’est un appel du Pays des crevettes. C’est sa mère, qui lui annonce que Chilane s’est suicidée. Et c’est le décès de son ancienne fiancée qui va pousser Eugène à se pencher sur cette période – on peut le dire, assez lumineuse – qui a précédé son départ pour la France.
Et Eugène raconte que sa mère a annoncé son départ pour la France pendant des mois, le traînant avec elle dans ses déplacements, au marché, chez des amis, chez des voisins… Elle assure tout un chacun qu’il va devenir un grand ingénieur, alors que lui pense déjà à l’écriture.
Cette longue période d’adieux, dans les souvenirs d’Eugène, c’est aussi de nombreuses virées avec ses amis. Une bande assez hétéroclite, avec des plus anciens, comme son parrain, et des plus jeunes. Et toujours, dans cette petite bande, la présence de Chilane et Silikani. Les deux amours d’Eugène.
Une période pleine de musique
La musique est un personnage à part entière du roman, même s’il pourrait en fait être incarné par Silikani. La jeune lycéenne a constamment un disque ou une cassette à portée de main. Elle ne marche pas, elle danse. Et a des opinions bien tranchées sur les grands artistes du moment. Elle connaît par cœur tous les tubes à la mode en France, mais c’est surtout sur les musiciens africains que le livre s’attarde.
La grande question qui occupe Eugène et Silikani, et d’autres autour d’eux, c’est de savoir qui, de Fela Kuti ou de Manu Dibango est le plus grand. Et sans aucun doute, la balance penche en faveur de Fela, le félin. Fela que l’on rencontre même lorsque Silikani est amenée à aller au Nigeria. Et ce n'est pas la moindre des qualités de ce roman que de donner envie d'écouter ces grands musiciens.
Auteur : Sébastien Martineau
Edition : Cécile Leclerc