Un rapport dénonce la discrimination contre les musulmans
28 septembre 2022A Berlin, une commission d'experts a récemment conclu que la ville-Etat de Berlin souffrait d'un problème structurel dans l’intégration de sa communauté musulmane.
Le Sénat de Berlin avait créé cette commission, la première de ce type en Allemagne, en réponse à l'attentat terroriste d'extrême droite perpétré dans la ville de Hanau en février 2020. Un homme avait attaqué deux bars à chicha et abattu neuf personnes, avant de retourner chez lui pour tuer sa mère et se donner la mort.
Plus de deux ans plus tard, les conclusions de ce groupe d'experts sont tombées et Berlin a, malgré l’image de diversité et d’inclusion qu’elle véhicule, encore beaucoup de travail à faire.
Une attitude raciste "dans l'imaginaire de la 'société majoritaire ou dominante' favorise un lien étroit entre l'islam et la pauvreté", peut-on lire dans le rapport.
Victimes de racisme
Les musulmans, "comme tous les immigrés victimes de racisme, sont confrontés à des obstacles, à des pratiques d'exclusion et à une discrimination structurelle."
Le rapport critique un manque de sensibilisation mais aussi le fait que les crimes et incidents islamophobes ne sont suffisamment identifiés et répertoriés comme tels par les services de police.
Le rapport évoque également un manque de transparence dans les opérations de surveillance des organisations musulmanes par les services de renseignement allemands.
Dans un contexte discriminatoire plus large, les femmes qui portent le foulard sont particulièrement exposées aux comportements sexistes.
Le rapport affirme que les femmes musulmanes ont moins de chances de bénéficier de dépistages en matière de santé sexuelle ou de voir leurs plaintes pour violences sexuelles prises au sérieux. Il en va de même pour le traitement des traumatismes qui en résultent.
Sur le plan culturel, le manque de leaders au sein de la communauté musulmane a entraîné une "sous-représentation majeure" et la présentation de clichés sur les musulmans.
Les recommandations du rapport
Bien qu'il n'existe aucun recensement officiel, on estime que les musulmans représentent environ 10 % des plus de 3,8 millions d'habitants de la capitale allemande. Certains sont de nouveaux arrivants, comme les réfugiés de la guerre de Syrie, qui sont arrivés au cours des cinq ou six dernières années, mais beaucoup vivent en Allemagne depuis des générations.
Pour tenter de remédier à cette discrimination profondément ancrée, les propositions de la commission se sont concentrées sur quatre aspects de l'administration publique : l'application de la loi, la justice pénale, la vie culturelle et l'éducation.
Dans tous ces domaines, la commission appelle à davantage former les fonctionnaires, notamment les enseignants, mais aussi les juges et les policiers, afin de les aider à repérer plus facilement les signes de préjugés.
"Tous ceux qui font des commentaires racistes ne sont pas racistes. Certains d'entre eux ne réalisent pas qu'il s'agit d’un comportement raciste", explique Safter Çınar, porte-parole de l'Association turque de Berlin-Brandebourg (TBB).
Les auteurs du rapport, composé d'universitaires et de chercheurs de l'enseignement supérieur et d’instituts berlinois, ont également appelé à un soutien financier accru de l'Etat pour les activités culturelles, religieuses et artistiques des musulmans.
Grâce à une représentation plus nuancée des musulmans dans les médias, ils espèrent améliorer la perception du public et contribuer à faire disparaître les stéréotypes.
La commission suggère également la création d'un département au sein de la police de Berlin qui serait chargé d'enquêter spécifiquement sur les actes islamophobes..
"Nous devons discuter de ce qui se passe lorsque quelqu'un qui travaille pour l'Etat agit de manière raciste. Quelle est la conséquence ?", demande Safter Çınar.
La loi de neutralité
Le rapport appelle également à la fin de la loi de neutralité votée en 2005 dans la capitale allemande. Cette loi interdit le port de signes religieux ostentatoires aux fonctionnaires sur leur lieu de travail.
Toutefois, dans la pratique, la loi sur la neutralité est vue comme discriminatoire par ses détracteurs, puisqu’elle a eu un impact plus important sur les femmes musulmanes qui portent un foulard.
Au fil des ans, de nombreux candidates qualifiées se sont vu refuser des postes dans la fonction publique en raison de leur pratique religieuse.
En 2015, la Cour constitutionnelle allemande a jugé qu'une interdiction générale du port du foulard violait la Constitution fédérale.
Le Tribunal fédéral du travail est arrivé à une conclusion similaire en 2020, lorsqu’il s’est prononcé en faveur d'une femme musulmane qui ne pouvait assumer son rôle d'enseignante à cause de son foulard. Mais une ancienne ministre de l’Education de Berlin a fait appel de cette décision.
Pour les tribunaux, la loi de neutralité est en contradiction avec l'égalité des chances et la lutte contre la discrimination au niveau fédéral et des Etats.
Les partisans de la suppression de cette loi estiment que le fait de refuser des emplois aux musulmans ouvertement pratiquants sape les efforts visant à améliorer la représentation des musulmans dans la vie publique.
Son abolition n’est toutefois pas gagnée d’avance face à la réticence des partis politiques de la capitale allemande. Des désaccords divisent aussi la communauté musulmane. L’Association turque de Berlin-Brandebourg n’est ainsi pas encore parvenue à présenter un avis tranché sur la question.
Source : https://www.infomigrants.net/fr/post/43374/a-berlin-un-rapport-denonce-la-discrimination-structurelle-contre-les-musulmans