Tout le monde peut être frappé
20 mars 2012Une fois de plus, l'Europe observe, décontenancée, ce pays qui est son voisin, observe la Süddeutsche Zeitung. Depuis des semaines, le Bélarus heurte les Européens comme s'il n'y avait plus aucune forme de considération entre Minsk et Bruxelles. Il y a d'abord eu le renvoi de plusieurs diplomates, puis l'affront du président Alexandre Loukachenko qui a affirmé, en évoquant le ministre allemand des Affaires étrangères, que lui-même préférait être dictateur que homosexuel. Guido Westerwelle ne fait pas un secret de son homosexualité.
Ce régime peut-il encore être discipliné ? se demande le journal. La réponse est à chercher du côté de la Russie : il est arrivé que Moscou ait un différend avec Minsk. Loukachenko était subitement devenu docile. Mais dès que la Russie a recommencé à le soutenir économiquement, il s'en est pris à nouveau à son propre peuple. Et le retour imminent de Vladimir Poutine au Kremlin a déjà renforcé Loukachenko.
Mais le sujet à la Une de la presse, c'est bien la série de fusillades en France, dont ont été victimes des Français de confession juive et musulmane. Avec ces meurtres, un thème s'invite dans la campagne présidentielle, estime la Schweriner Volkszeitung : celui de la relation entre la France et ses minorités. Jusqu'à présent, la populiste de droite Marine Le Pen tempête, avec un succès certain, contre les étrangers, les musulmans et l'Europe. Sous la pression des sondages, Nicolas Sarkozy lui emboîte le pas.
A gauche, Jean-Luc Mélenchon, avec son obsession du communautarisme, et le socialiste François Hollande, qui se démarque par son absence de propositions, complètent le tableau d'une classe politique qui ne sait pas affronter l'un des grands défis de la société française. Le défi de réussir à intégrer des personnes qui, appartenant souvent à la deuxième ou troisième génération, restent marginalisées.
Pour Die Welt, ce qui s'est passé en France est bien plus qu'un acte sanguinaire : c'est à la fois un acte de folie meurtrière et une tentative de conquête symbolique de l'espace public. Le message est clair : tout le monde peut être frappé, aussi bien des parachutistes musulmans que des écoliers juifs. Et le quotidien se demande : cette affaire est-elle seulement française, ou concerne-t-elle l'Europe dans son ensemble? Car elle menace le mode de vie européen. N'est-il pas envisageable que, si la France décrète un deuil national, les Allemands eux aussi laissent le drapeau en berne au-dessus du château Bellevue, la résidence du président à Berlin ?
Auteur : Sébastien Martineau
Édition : Konstanze von Kotze