A N'Djamena, des experts ont réfléchi sur les tensions liées au pastoralisme
La capitale tchadienne a accueilli la première édition de la conférence « Agriculture, Pastoralisme et Aires protégées », un événement organisé dans le cadre du projet ACCEPT, soutenu par l’Union européenne ainsi que la Coopération allemande à travers la GIZ.
Le projet ACCEPT a pour objectif d’apporter des connaissances scientifiques nouvelles sur le pastoralisme et vise à analyser les tensions liées aux ressources, afin d’aider les éleveurs à adapter leurs choix stratégiques.
Une gouvernance concertée
Plus de 100 experts, chercheurs, acteurs de terrain et représentants d’institutions venus d’Afrique et d’Europe se sont rassemblés du 02 au 04 octobre 2024 à Ndjamena pour partager des connaissances et explorer des solutions innovantes.
Avec l’épuisement des ressources naturelles, les terres arables deviennent de plus en plus rares, et les zones de pâturage pour les éleveurs sont aujourd'hui une source de conflits majeurs entre les éleveurs, les agriculteurs et les gestionnaires d’aires protégées.
"Nous avons partagé des acquis et expériences sur les gestions des tensions, des conflits ou des litiges liés aux ressources agrosylvopastorales dans le Sahel", a déclaré Ibra Touré, directeur régional du Cirad basé à Dakar.
Guillaume Dutertre, économiste au Cirad, a résumé l'importance de cet événement : "On s’est tous retrouvés pour échanger sur nos connaissances et chercher quelles solutions marchent. C’est précieux puisqu’on est sur des territoires où des données manquent."
Ce manque de données et d’études constitue une difficulté majeure dans la gestion des territoires sahéliens, où la pression sur les terres s'accroît avec la croissance démographique et l'augmentation du cheptel.
Un enjeu environnemental et humain majeur
Avec plus de 140 000 têtes de bétail au Tchad, la question de la gestion des pâturages est devenue cruciale. Cette pression grandissante entraîne des tensions entre éleveurs et agriculteurs, d'une part, et entre ces acteurs et les gestionnaires des aires protégées, d'autre part.
Selon Christophe Ducastel de l’AFD-PFBC, les défis sont complexes : "Il y a une pression démographique croissante qui amène à développer l’agriculture pour répondre aux besoins alimentaires, et on constate une croissance exponentielle des troupeaux. Cela entraîne une demande accrue en ressources, en particulier en fourrage et en eau."
Face à ces enjeux, des solutions locales émergent. Le Niger, par exemple, montre la voie avec la participation active des populations locales à la protection des girafes. De même, en République centrafricaine (RCA), des éleveurs « lanceurs d’alertes » collaborent à une meilleure gestion des flux de transhumance autour des aires protégées.
Ces exemples illustrent l’importance d’une gouvernance partagée entre acteurs publics, privés et communautaires.
Des solutions concertées pour un avenir durable
L’objectif de cette rencontre était de permettre aux participants d’échanger sur les meilleures pratiques et de proposer des scénarios pour un avenir sans conflit, où les activités agropastorales et la protection des écosystèmes pourraient coexister.
À la fin des travaux, Koussou Mian Oudanang, coordinateur du projet ACCEPT, a souligné l’importance des échanges : "Une synthèse de recommandations a été préparée à partir des expériences d’autres pays qui ont réussi à trouver des solutions. Nous allons nous en inspirer pour mettre un terme aux conflits."
Ces recommandations visent à instaurer une gestion territoriale plus concertée, prenant en compte les enjeux écologiques et économiques.
À Ndjamena, la question centrale était : comment concilier les besoins des éleveurs et la préservation des écosystèmes fragiles ? Les zones pastorales jouent un rôle essentiel dans la séquestration du carbone, la fertilité des sols et la conservation de la biodiversité.
Un cadre de dialogue pour protéger les écosystèmes
"Le projet ACCEPT a coconstruit avec les éleveurs et agriculteurs des outils d’aide à la décision, notamment à travers les Comités d’entente et de médiation, pour prévenir les conflits", a expliqué Koffi Alinon, chercheur à l’Institut de Recherche en Élevage pour le Développement (IRED).
L’une des recommandations issues de cette conférence est de revaloriser les pratiques pastorales, non seulement pour améliorer la cohabitation entre les acteurs, mais aussi pour renforcer la résilience climatique et écologique.
Les participants ont également souligné l'importance des réseaux d'aires protégées dans la conservation de la biodiversité, tout en reconnaissant le rôle clé des zones agropastorales dans la fourniture de services écosystémiques.
En intégrant ces zones dans les plans de développement territoriaux, il devient possible d'ouvrir des couloirs pour la faune et de favoriser une coexistence plus harmonieuse entre les activités humaines et la nature.
La conférence de N’Djamena a posé les bases d’une coopération plus étroite entre les acteurs de l’agriculture, du pastoralisme et de la gestion des aires protégées.