Tchad : des milliers de jeunes privés de fonction publique
15 juillet 2021"Cela fait déjà six ans qu'on a commencé à manifester pour notre intégration à la fonction publique", raconte Adissou Dibam, jeune titulaire d'un master en Science politique. "Nous avons eu à organiser des marches pacifiques, des sit-in mais jusqu'à présent il n'y a pas eu une réponse favorable vis-à-vis de notre situation."
Un témoignage qui illustre la précarité de milliers d'autres jeunes diplômés tchadiens qui attendent depuis plusieurs années l'intégration dans la fonction publique.
10.000 emplois fictifs
Des embauches bloquées faute de budget, répondent les autorités. Un discours difficile à accepter pour beaucoup, car, dans le même temps, des milliers de personnes touchent de l'argent pour des emplois fictifs.
Depuis 2014, plusieurs audits des fichiers du personnel de l'Etat ont décelé la présence de plus de 10.000 fonctionnaires fictifs. "Mais malgré de nombreux audits de l'effectif des personnels de l'Etat, la situation n'a pas changé, empêchant bon nombre des jeunes diplômés d'accéder à la fonction publique", explique l'universitaire Sitack Yombatina Beni.
L'universitaire cite des embauches effectuées, alors même que les personnes n'avaient pas les diplômes requis. Des personnes parfois proches de certains parti politique ou embauchées par connaissance. "L'administration tchadienne ne veut pas s'assumer", assène Sitack Yombatina Beni. "Pourtant le Tchad a fait venir des cabinets, d'abord français, burkinabé et ensuite rwandais tout ça pour améliorer la situation des fonctionnaires tchadiens". Et l'universitaire de déplorer une nouvelle fois que les résultats de ces audits ne soient pas pris en compte.
Les élus mis en cause
Pour Gounoung Vaima Ganfaré, le Secrétaire général de l'Union des syndicats du Tchad (UST), cette situation est due au manque de volonté politique. "C'est un problème de gouvernance", soutient-il. " Si un homme d'Etat veut assainir, il doit cesser de réfléchir en pensant à ses frères, ses soeurs ou ses parents. Desmond Tutu disait que ceux qui ne sont pas capables doivent laisser la place aux autres. Il faut peut-être arriver à cela". Et Gounoung Vaima Ganfaré de dénoncer une "abération".
En août 2019, le feu président Deby avait annoncé après trois ans de blocus d'intégration, le recrutement de 20.000 jeunes au sein de la fonction publique. Un pari qu'il n'a pas tenu jusqu'à sa mort, car seuls 6 000 jeunes ont été intégrés et la plupart sur des bases claniques et du clientélisme.