Critiques sur la prochaine Agence des élections tchadiennes
18 janvier 2024C'est un projet de loi adopté en Conseil des ministres la semaine dernière et présenté désormais devant le Conseil national de transition qui fait scandale au Tchad. Le texte stipule, en son article 8, que, sur les quinze membres qui constituteront l'Agence nationale de gestion des élections (Ange), huit seront désignés par le président de la République, quatre par le président de l'Assemblée nationale et trois par le président du Sénat.
Problème : le Tchad n'a pas d'Assemblée nationale ni de Sénat élus. C'est donc le Conseil national de transition qui devrait désigner les sept autres membres de cet organe. Cela signifie que les quinze membres de cet organe seront désignés par le président de la transition, Mahamat Idriss Déby Itno, et le président du Conseil national de transition, Haroun Kabadi, tous deux issus du MPS l'ancien parti au pouvoir.
"Pour le besoin de Mahamat Idriss Déby Itno"
Pour Max Kemkoye, le président de l'Union des démocrates pour le développement et le progrès, ce projet viole le principe d'indépendance de cet organe. "En français facile, être indépendant c'est ne pas dépendre de quelque chose ni de quelqu'un", dit-il sur la DW. "Ni en filiation, ni en ressources, moins encore en hiérarchie. Mais là, c'est purement un organe créé par Mahamat Idriss Déby Itno, dépendant de lui, pour le besoin de Mahamat Idriss Déby Itno lui-même".
Ce mélange des genres est aussi critiqué par d'autres dans la société tchadienne. C'est le cas, par exemple, du chercheur et analyste Remadji Hoinathy. "Ce sont des personnes qui seront désignées par un parti politique qui est aussi candidat aux élections à venir", insiste-t-il. "Et ceci est problématique." Le chercheur se demande quelle place pourront avoir l'opposition ou la société civile au sein de l'agence. "Ceci laisse planer des doutes quant à la possibilité pour cet organe, et les membres qui vont le composer, d'être indépendants. Donc le doute des partis politiques d'opposition ou de la société civile est très légitime".
"Un travail en toute indépendance"
D'autres, proches du pouvoir souvent, défendent le texte. Le docteur Nasra Djimasngar, coordonnateur du Cadre national de concertation des partis politiques, un organe mis en place par le pouvoir pour soutenir la transition en cours, insiste notamment sur un point en particulier : les membres de cet organe, nommés pour un mandat de sept ans renouvelable une fois et inamovibles pendant leur mandat, jouissent d'une protection. Ils pourront donc, selon-lui, exercer leur fonction en toute indépendance. "On ne peut pas trouver mieux (...), ils ne sont soumis à aucune tutelle donnée", argumente-t-il.
Le Conseil national de transition étant acquis à la cause du gouvernement, ce projet devrait sans surprise être voté le 26 janvier prochain, comme ce fut le cas pour d'autres textes décriés par l'opposition et la société civile, mais votés par le parlement de transition.