Sénégal : Khalifa Sall a été gracié
30 septembre 2019Dès l’annonce de la nouvelle de sa libération, ses soutiens se sont massés devant la prison de Rebeuss à Dakar et ont ensuite accompagné son convoi à travers plusieurs quartiers de la capitale.
"Je rends grâce à Dieu. Je rends grâce au Khalife Général des Mourides. Je remercie aussi le président de la république qui a tenu sa parole. Il m’avait dit, ‘je vais le libérer’, il l’a fait, je le remercie. Et je prie que la paix règne au Sénégal. Il faut calmer les esprits, il apaiser le climat", s’est réjoui Soham el Wardiny, actuelle Mairesse de Dakar.
Pour Woré Diaw, deuxième adjointe à la ville de Dakar, "c’est l’aboutissement d’un long et difficile combat politique. Il n’a jamais bronché. Ça a été long et ça a été vraiment dur pour nous, partisans de Khalifa, ses proches au niveau de la ville de Dakar" se félicite-t-elle.
Amely Ngom, autre partisane de Khalifa Sall, est fière de son mentor, qui a su tenir jusqu’au bout : "quand j’ai entendu la nouvelle, j’ai pensé aux gens qui ont quitté, les gens qui n’avaient pas la patience. Les gens qui n’ont pas voulu attendre. C’est pourquoi je dis que j’ai de la pitié. Mais aujourd’hui, grâce à Dieu, Khalifa est sorti par la grande porte".
Dans la majorité présidentielle, l’on se félicite également de cette liberté en faveur de Khalifa Sall. Selon Mamadou Salif Sow, le président du Mouvement Ensemble pour le Sénégal : "cette grâce rentre dans le cadre de l’apaisement du climat sociopolitique au Sénégal, pour l’intérêt du Sénégal. Et aujourd’hui, nous ne sommes pas surpris que, dans cette même lignée, l’ancien Maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, ait bénéficié de cette grâce présidentielle".
Faux en écriture
Khalifa Sall avait été condamné pour "faux en écriture et escroquerie portant sur les deniers publics" dans l'affaire dite de la "caisse d'avance", portant sur la gestion de la mairie de Dakar, qu'il avait remportée en 2009 et 2014.
Il a été reconnu coupable du détournement d'environ 2,5 millions d'euros, prélevés entre 2011 et 2015 sur les caisses de la ville. Mais l’intéressé a toujours clamé son innocence arguant que les maires de Dakar ont toujours eu à leur disposition une somme destinée à leur action politique.
Acharnement politique
L’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, dont les ennuis judiciaires ont débuté lorsque qu'il s'est désolidarisé de la coalition bâtie autour du président Macky Sall, a toujours estimé que ces poursuites visaient à l'empêcher de se présenter à la présidentielle de février 2019. Ce que la majorité a démenti.
Arrêté en mars 2017, il avait battu campagne depuis sa cellule pour les législatives de juillet de la même année. Quoiqu’élu, il n'a pas pu siéger et a été révoqué de ses fonctions de maire. Cependant, il n'a pu se présenter à la présidentielle de février 2019, remportée dès le premier tour par le président sortant Macky Sall, au pouvoir depuis 2012.
Gracié, mais pas amnistié
De nombreux spécialistes du droit indiquent que s'il bénéficie d'une grâce, Khalifa Sall n'est pas pour autant amnistier. Il doit payer l’amende qui lui a exigé lors de sa condamnation et sa condamnation n'est pas effacée. Ce qui risquerait de ne pas lui permettre de recouvrer ses droits civils et politiques, notamment celui d’être candidat à une élection présidentielle.
La remise en liberté de Khalifa Sall était réclamée depuis son emprisonnement par ses partisans. Elle survient dans contexte de décrispation politique sous l’égide des chefs religieux musulmans.
Décrispation
Sous l'égide du chef spirituel de la puissante confrérie des mourides, le président Macky Sall a entamé un processus de main tendue à l'opposition. Ce qui a aboutie vendredi dernier à la spectaculaire réconciliation entre lui et son prédécesseur, Abdoulaye Wade, à l'occasion de l'inauguration de la nouvelle grande mosquée à Dakar.
Cette médiation pourrait également concerner le dossier du fils et ex-ministre d'Abdoulaye Wade, Karim Wade. Celui-ci avait été condamné en 2015 à six ans de prison et à plus de 210 millions d'euros d'amende pour "enrichissement illicite".
Après trois ans de prison, Karim Wade a lui aussi bénéficié d'une grâce présidentielle et a été libéré le 24 juin 2016. Depuis, il vit en exil au Qatar et reste sous la menace d'une nouvelle arrestation s'il rentre au Sénégal. Car, il est astreint à payer cette amende.