Au Soudan, la crainte d'un recul après la révolution
26 octobre 2021Alors que le pays est englué depuis deux ans dans une transition qui n'apporte pas de solutions aux difficultés des Soudanais, les militaires ont arrêté les dirigeants civils du gouvernement de la transition et imposé un couvre-feu.
Le coup de force a entraîné dans les rues de Khartoum, de nombreux manifestants. Ce mardi matin encore (26.10.2021), des groupes se sont formés pour protester contre les militaires.
"Le retour au passé n'est pas une option"
C'est le slogan qu'ont lancé certains manifestants qui refusent de quitter la rue malgré la violente dispersion lundi des rassemblements.
"Je marchais dans la rue et ils ont tiré sur moi", témoigne un manifestant.
"Cet homme a été heurté par un véhicule militaire et s'est cassé le bras. Il a une lésion au niveau des poumons et une blessure au bassin", explique un médecin à Khartoum.
"J'étais debout à une des barrières érigées sur la rue, et j'ai été touché à la jambe lors de tirs de l'armée et des forces spéciales devant le quartier général militaire. Nous protégions les barrières. Et c'est ce qui est arrivé", décrit un autre manifestant blessé.
"Ils ont tiré des grenades assourdissantes, puis ils ont tiré à balles réelles, deux personnes sont mortes, je les ai vues de mes propres yeux. Puis ils sont revenus deux fois et en ont tué un de plus, c'est le troisième que j'ai vu", confie un autre témoin.
Condamnation quasi unanime
Une délégation des nations unies est annoncées au Soudan pour rencontrer les militaires. La communauté internationale accentue la pression. La Troïka, composée des Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Norvège, à la manoeuvre sur le dossier soudanais depuis des années, estime que "les actions des militaires trahissent la révolution et la transition" entamée il y a plus de deux ans. Washington va même plus loin : l'administration américaine a décidé de suspendre une aide de 700 millions de dollars au Soudan.
Dans une telle configuration, est il encore possible pour l’armée de conduire un processus électoral juste et transparent ?
"Tout d'abord, après la tentative de coup d'État du 21 septembre dernier, le général Burhane qui est à la tête du conseil de souveraineté avait promis qu'ils protégeraient la révolution et qu'il n'y aurait pas de coup d'État. Ce que nous observons actuellement réunit tous les éléments pour que l’on puisse parler d’un coup d’état. Cela signifie, qu’il n’a pas fait ce qu’il avait promis de faire. A l’heure actuelle, il est difficile pour quiconque d'accepter que la même armée puisse superviser un processus qui mènera à des élections. Dans tous les cas, les élections sont censées être la résultante d’un processus mené par des civils. Pour l’heure, étant donné que la préparation du processus électoral semble tronquée par les militaires, il est difficile d’envisager que les élections de 2023 se dérouleront comme prévu", explique Dr. Andrew Atta-Asamoah, Chef de Programme à l’Institut d’études de sécurité.