Affaire Ousmane Sonko-Adji Sarr, les féministes divisées
5 juin 2023Ousmane Sonko a été acquitté par la chambre criminelle du tribunal de Dakar des accusations de viol et de menaces de mort sur la jeune dame, Adji Sarr. L’opposant sénégalais a été, cependant, condamné à deux ans de prison ferme pour "corruption de la jeunesse". La juridiction sénégalaise l’a condamné à payer une amende de 600.000 Francs CFA.
Crainte d'un recul de la cause des femmes
Une partie des féministes sénégalaises jugent trop clément ce verdict. Celles-ci redoutent désormais un recul, les femmes risquant de ne plus oser porter plainte en cas de violences sexuelles, surtout si l’homme incriminé occupe un certain statut social. Et ceci en dépit d’une nouvelle loi favorable aux femmes.
"Cela ne fait pas longtemps qu'on a eu cette nouvelle loi qui criminalise le viol. Et depuis, nous-mêmes, on se posait la question de savoir quel est l'impact de cette loi sur les cas de viols et de violences faites aux femmes. Car depuis lors, nous n'avons pas noté beaucoup de cas qui ont été jugés avec cette loi. C'est vraiment un précédent dangereux", explique Fatou Warkha Sambe, journaliste féministe sénégalaise.
"Le corps de la femme a été instrumentalisé par la politique"
Selly Ba, enseignante-chercheuse en sociologie et militante des droits de la femme regrette, au-delà de la question du viol, l’instrumentalisation d’une femme à des fins politiques.
"Encore une fois, le corps de la femme a été instrumentalisé par la politique. Aujourd'hui, le viol est utilisé comme une arme politique. C'est dangereux pour nos acquis. C’est dangereux pour les luttes qu'on est en train de mener pour pouvoir aboutir à ces acquis. Donc il y a une banalisation de cette dernière loi, la loi de 2020 qui criminalise le viol", déplore Selly Ba.
Au Sénégal, comme dans de nombreux autres pays du continent, les victimes de violences sexuelles n’osent souvent pas porter plainte, redoutant notamment le discrédit social.
Selon plusieurs féministes contactées, Adji Sarr serait doublement victime car elle ne peut désormais plus circuler librement dans son pays. Elle se fait toujours escorter par des policiers qui assurent sa sécurité.