Au Sénégal, les propos d’Ousmane Sonko inquiètent
25 mai 2023A l’occasion de son procès pour viols tenu en son absence, le ministère public avait requis mardi, dix ans de réclusion criminelle à l’encontre d’Ousmane Sonko.
En réaction à cette annonce, l’opposant sénégalais avait donné rendez-vous à ses partisans à Dakar pour, je cite, "en finir avec le président Macky". Des propos tenus hier devant des centaines de partisans exaltés accourus devant sa maison de Ziguinchor, dans le sud du pays.
Des déclarations incendiaires
Des propos jugés très durs au Sénégal et qui font redouter de nouvelles tensions politiques.
"Les signes que nous avons en ce moment donnent une claire indication que nous allons vers la confrontation. Ici, on se trouve en face d'un jeune homme qui s'appuie sur un soutien populaire évident et qui pense qu'il peut utiliser son soutien populaire pour, ainsi dire, affronter l'Etat. Ce qui pose un certain nombre de questions. Parce que quand on est dans un système démocratique ouvert, je pense qu'il y a des voies qui existent pour vraiment contester le pouvoir", a estimé Ibrahima Kane, politologue et expert au bureau ouest-africain de l'ONG Osiwa à Dakar.
Ces derniers mois, Ousmane Sonko est devenu, selon certains observateurs, une personnalité clivante - mais il demeure populaire chez les moins de 20 ans qui représentent la moitié de la population sénégalaise.
Pour le chercheur Ibrahima Kane, les derniers développements de ses affaires judiciaires l’ont rendu plus radical : "Il est devenu intransigeant. Il a eu ce comportement après que ce nombre de procès a été intenté contre lui, et il avait l'impression que ces procès avaient pour but non seulement de l'éliminer, mais aussi de l'humilier."
Le gouvernement dit rester serein
Les dernières déclarations d’Ousmane Sonko sont donc un nouvel acte de défiance à l'encontre du pouvoir. L’opposant qui s’est radicalisé a en face de lui, un gouvernement déterminé à empêcher tout débordement.
"L’Etat ne peut pas laisser faire. Il est important que l'Etat assure aux citoyens la garantie de l'ordre public face aux besoins de l'Etat. L’Etat est garant de l'ordre public au Sénégal. L’Etat du Sénégal doit garantir à tous les citoyens la liberté d'aller et de venir et aussi pour tous les citoyens sénégalais qui devront aller à l'hôpital, au marché, ou bien qui vont au travail tout simplement", a déclaré Moussa Bocar Thiam, le ministre sénégalais de la Communication.
Les autorités sénégalaises démentent toute instrumentalisation de la justice dans ce procès pour viols et parlent d’une "affaire privée". Mais Ibrahima Kane, du bureau ouest-africain de l'ONG Osiwa, pointe la responsabilité du gouvernement.
"Dans le même temps, quand le pouvoir lui-même ne vous offre pas les possibilités de contestation par les voies normales de la démocratie tels que l'appareil judiciaire ou bien le Parlement, ça vous pousse à avoir des attitudes qui sont totalement à l'opposé des attitudes qu'on peut avoir dans un Etat de droit", a-t-il expliqué.
La mobilisation des supporteurs d’Ousmane Sonko, à l'occasion de ses rendez-vous avec la justice notamment, a régulièrement donné lieu à des affrontements avec les forces de l’ordre.
Ces affrontements ont déjà coûté la vie à plusieurs personnes. La tension s'annonce donc à nouveau forte autour du 1er juin, date prévue pour l’énoncé du verdict