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L'Onu aurait pu empêcher le génocide rwandais (Harald Ganns)

8 avril 2024

Au Rwanda, les massacres n'ont pris fin que lorsque les rebelles tutsis du Front patriotique rwandais ont vaincu les milices hutus, en juillet 1994.

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Génocide au Rwanda en 1994 : des crânes humains et des objets personnels posés sur une table
Selon les estimations officielles, le génocide au Rwanda, il y a 30 ans, a fait entre 800.000 et un million de morts.Image : Wolfgang Langenstrassen/picture alliance/dpa

Au Rwanda, les auteurs de la plupart des massacres de 1994, membres de la majorité hutu, étaient issus des rangs de l'armée, de la garde présidentielle, de la police et des milices organisées.

La population civile a également pris part au génocide. Dans un entretien accordé à la radio allemande Deutschlandfunk, l'ancien diplomate allemand Harald Ganns se souvient de ces douloureux événements et il tente d’expliquer pourquoi les casques bleus de l'Onu, stationnés au Rwanda, ne sont pas intervenus.

Harald Ganns  : Dans le cas du Rwanda, le commandant en chef, un général canadien, a très tôt mis en garde les Nations unies et, après les troubles, il a demandé à ce qu'un mandat lui soit confié.

Il a exigé avec encore plus d'insistance qu'on lui donne un mandat qui l'autoriserait à intervenir directement par la force des armes.

Cela aurait pu empêcher la catastrophe, il n'aurait pas pu l'empêcher totalement, mais aurait au moins pu la réduire, car les Casques bleus  y étaient stationnés – je crois qu'ils étaient 2.500, 3.000 – de tous les pays possibles. Ils étaient équipés d'armes modernes, alors que le génocide, aussi horrible que cela puisse paraître, a été perpétré par des hommes armés, non pas avec des armes modernes, mais avec le coupe- coupe.

Une force de l'Onu bien équipée, même si elle ne comptait qu'un nombre restreint de soldats, aurait pu faire quelque chose. Mais le Conseil de sécurité de l'Onu, à New York, n'était pas prêt à adopter un tel mandat, malgré les demandes répétées du général canadien au Rwanda, et on peut aujourd'hui discuter longuement de la raison. Bien sûr, il y avait entre autres raisons le fait qu'il y avait eu auparavant une mission des Nations unies en Somalie, avec des Casques bleus, qui n'avait pas été très fructueuse. On ne voulait pas se lancer à nouveau dans une telle aventure.

Génocide au Rwanda en 1994 : des photos accrochées à un fil
Les experts s'accordent à dire que l'élément déclencheur du génocide est l’assassinat du président hutu Juvénal HabyarimanImage : Ben Curtis/AP Photo/picture alliance

Christoph Heinemann: Quel rôle ont joué les Nations unies pendant le génocide ?

Ganns : Elles n'ont joué qu'un rôle modeste, pour ne pas dire aucun rôle, puisqu'elles étaient stationnées dans le pays, mais elles ne sont pas intervenues. On en a discuté à New York, mais on n'a pas pris de décision qui aurait pu aller plus loin. En ce sens, les Nations unies ont brillé par leur absence, malgré la présence des casques bleus.

Christoph Heinemann:  Une commission d'historiens mise en place par le président Emmanuel Macron a attesté, en 2021, que la France avait une responsabilité lourde lors du génocide. Comment avez-vous vécu la politique française à l'époque.

Ganns : Avec un œil très, très critique. A l'époque, j'étais aussi constamment dans le groupe de travail Afrique à Bruxelles. Il y avait différents groupes de travail de l'Union européenne. L'un d'entre eux s'occupait de l'Afrique et, à l'époque, principalement de la situation au Rwanda.

Je n'ai plus en mémoire le nombre d'Etats membres que nous étions à l'époque. Nous n'étions pas encore aussi nombreux qu'aujourd'hui. La France était donc isolée dans ce groupe avec sa politique. Il n'y avait pas un seul Etat membre qui aurait soutenu la politique du gouvernement français au Rwanda.

Au contraire, il y avait des critiques massives parce que le soutien de la France au gouvernement formé pour l'essentiel par des membres de la communauté hutu, ce gouvernement portait sans aucun doute la responsabilité du génocide, même s'il n'avait pas lui-même utilisé le coupe-coupe dans chaque cas.

Mais le gouvernement de l'époque, composé de Hutus, avait une part de responsabilité dans la situation.

La France n'a pas manqué d'en prendre acte. Cette enquête, ordonnée par le président Macron, a prouvé et démontré tout ce que les Etats membres de l'UE, à l'époque, avaient déjà dit. 

Bob Barry Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@papegent