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En Afghanistan, question sur le rôle des Etats-Unis

31 août 2021

Une succession d'erreurs stratégiques a pu selon des experts, conduire à l'échec de l'engagement des Occidentaux. Les talibans ont profité de ces erreurs.

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Une caricature de Sergey Elkin montrant un avion américain lâchant l'Afghanistan qui cherche vainement à retenir son soutien
Le dernier soldat américain a quitté Kaboul une minute avant la date butoir du 31 août 2021 fixée par le président Joe Biden

Après le départ des troupes américaines d'Afghanistan et suite à ce que beaucoup considèrent comme un échec des Occidentaux, la question du rôle des Etats-Unis dans le monde se pose de plus en plus.

Certains observateurs pensent que la fulgurante montée en puissance des talibans afghans est la conséquence d'un manque de stratégie. Tandis que d'autres critiquent le fait que Washington n'ait pas opté pour le maintien d'un contingent sur place pour appuyer l'armée afghane.

"Meilleure décision pour les Etats-Unis"

Des éléments des forces de sécurité afghane en position après une attaque visant la minorité ethnique Hazara
Des éléments des forces de sécurité afghane en position après une attaque visant la minorité ethnique HazaraImage : AFP/Getty Images

Le président Joe Biden a qualifié la fin de la présence militaire américaine en Afghanistan de "meilleure décision pour l'Amérique".

"Je vous donne ma parole, du fond de mon coeur. Je suis convaincu que c'est la bonne décision, une sage décision, et la meilleure décision pour l'Amérique", a déclaré Joe Biden lors d'un discours solennel depuis la Maison Blanche.

Joe Biden a prévenu le groupe djihadiste Etat islamique au Khorasan (EI-K) que les Etats-Unis n'en avaient "pas fini" avec lui, après l'attentat qui a tué une centaine d'Afghans, 13 militaires américains et deux Britanniques près de l'aéroport de Kaboul la semaine dernière. 

"En tant que commandant en chef, je crois fermement que la meilleure voie pour protéger notre sécurité passe par une stratégie dure, impitoyable, ciblée et précise qui traque la terreur là où elle se trouve aujourd'hui. Pas où elle était il y a deux décennies", a affirmé le président américain.

Amalgame et erreurs stratégiques

Le président Joe Biden lors d'une discussion au sujet de l'ouragan "Ida" (Archives - Washington)
Joe Biden n'a pas renié sa décision de mettre fin à la présence américaine en AfghanistanImage : Manuel Balce Ceneta/dpa/AP/picture alliance

Il y a chez beaucoup d'analystes et observateurs, le sentiment d'un retour à la case départ après 20 ans de présence militaire qui s'achève en plus dans le chaos. Des scènes d'évacuations dans la précipitation et le bain de sang. Un président américain replié sur la vengeance après la mort de 13 soldats dans un contexte d'élections de mi-mandat qui approchent.

>>> Lire aussi : L'Afghanistan, un pays pauvre aux richesses convoitées

Selon John Kornblum, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Allemagne, tout ceci aurait pu être évité. Mais comment ?

L'hypothétique construction d'une nation

Pour le diplomate américain, la poursuite d'autres objectifs cachés a fragilisé les deux stratégies mises en avant par l'Occident : l'éradication du terrorisme et le plan de la construction d'une nation, un plan élaboré et soumis par l'Allemagne.

Zabihullah Mujahid, le porte-parole des talibans lors d'une conférence de presse  (Archives - Kaboul, 31.08.2021)
Les talibans ont fêté leur "victoire" après le départ des AméricainsImage : Wakil Kohsar/AFP/Getty Images

"L'objectif n'était pas seulement d'éradiquer le terrorisme ou simplement la construction d'une nation", fait remarquer John Kornblum, "mais bien sûr de maintenir l'Occident uni, également pour soutenir la politique américaine de ces années-là. Nous ne devons pas oublier que la politique de George W. Bush a subi de fortes pressions - non pas à cause de l'Afghanistan mais à cause de l'Irak. L'administration américaine était donc heureuse d'accepter cette stratégie allemande de construction d'une nation parce qu'elle montrait que nous avions des objectifs et des stratégies", explique-t-il sur la radio allemande Deutschlandfunk.

>>> Lire aussi : L'Afghanistan des talibans, un sanctuaire pour les djihadistes ?

A cela s'ajoutent les tergiversations sur la labellisation des talibans comme groupe terroriste.

Ainsi, alors que l'Onu a désigné les talibans comme une organisation terroriste deux ans avant les attentats du 11 septembre, les Etats-Unis n'ont jamais fait de même et la qualification d'"entité terroriste mondiale spécialement désignée", retenue en 2002 par George W. Bush, n'a eu que des impacts sur les transactions financières du groupe.

Des "deals" conclus avec les talibans

Peter Rough : "C'était l'une des grandes erreurs de jugement"

Pour Peter Rough, ancien conseiller du président Bush et spécialiste de la politique étrangère des Etats-Unis, au lieu d'un retrait total, Washington aurait dû laisser un contingent sur le terrain.

Cela aurait permi de "soutenir le gouvernement afghan ainsi que les forces armées. Car l'effondrement s'explique aussi par le fait que, psychologiquement, le retrait des Américains de Bagram par exemple a vraiment sapé le moral des troupes en Afghanistan. Je pense que c'était l'une des grandes erreurs de jugement et de nombreux Afghans ont ensuite conclu un nouvel accord avec les talibans parce qu'ils s'inquiétaient pour leur propre avenir".

Malgré les critiques, le président Joe Biden n'a pas renié sa décision qu'il continue de défendre.

Cela pousse certains observateurs à proposer une révision de la perception du rôle des Etats-Unis dans le monde, en plaidant pour une plus grande implication d'institutions telles que l'Otan ou les Nations unies.

Photo de Fréjus Quenum, en interview dans le studio de la Deutsche Welle à Kinshasa en RDC (05.12.2024)
Fréjus Quenum Journaliste, présentateur et reporter au programme francophone de la Deutsche Welle@frejusquenum