Massacre de Yumbi : l'espoir tenace d'une justice tardive
16 décembre 2021Il y a trois ans, plus de 500 personnes étaient tuées et des dizaines de milliers d'autres obligées de fuir à la suite de massacres commis contre les membres de l'ethnie banunu dans le territoire de Yumbi, en République démocratique du Congo. A l'origine des violences : l'inhumation du chef coutumier Mantoma des Banunu, dans le centre du territoire de Yumbi, qui a provoqué la colère des Batende. Depuis, plusieurs ONG et la société civile réclamait justice. Une enquête a été menée, des arrestations ont eu lieu et un procès s'est ouvert mais des interrogations persistent.
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Un processus aux nombreux points d'interrogation
À ce jour, beaucoup de choses n'ont pas été clarifiées. Les Nations Unies estiment à 535 le nombre de décès dans seulement trois villages dont 345 dans le seul village de Bongende à Boyanga et les raisons de la flambée de violence apparemment soudaine sont controversées. Le territoire de Yumbi est situé sur le fleuve Congo dans la province du Mai-Ndombe, à des centaines de kilomètres de la guerre civile en cours dans l'est du pays.
Un procès hors normes
Sa femme et ses quatre enfants, Clovis Boyanga, 31 ans, les a perdus lors des massacres de Yumbi. Des hommes de l'ethnie Batende munis de machettes, de lances et de fusils sont allés de maison en maison dans son village natal pour tuer les personnes qu'ils identifiaient comme Banunu.
Clovis a survécu parce qu'il n'était pas chez lui le matin de l'attaque. Réfugié depuis à Kinshasa, si rien ne peut combler le vide laissé par la perte de ses proches, il ressent tout de même un peu d'espoir ces derniers jours. A quelques kilomètres de là, dans la prison de Ndolo, le procès tant attendu du massacre de Yumbi a en effet débuté cette année. 79 personnes sont inculpées et le procès pourrait durer des années.
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Clovis Boyanga veut espérer. "Je pense que le procès nous permettra de trouver des réponses à nos questions. Seul l'Etat et la justice nous permettront de connaitre qui sont les commanditaires de ces massacres" estime t-il.
Pour Lewis Mudge responsable du bureau Afrique centrale à Human Rights Watch des interrogations demeurent tout de même en ce qui concerne la procédure judiciaire.
Le rôle des élections
Officiellement ce sont des désaccords au sujet de l'inhumation du chef coutumier Mantoma des Banunu qui ont déclenché les violences. Mais certains estiment que le drame a aussi une origine politique. Parmi les personnes inculpées, ont compte en effet des responsables locaux à l'époque des faits.
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Politique également, parce que le massacre a eu lieu une semaine avant les élections. Claude Kaniekete Boba est l'un des avocats d'un collectif qui représente les victimes, selon lui "le problème c'est qu'on était à la veille des élections et si on compte que les Banunu sont plus nombreux que les autres, alors, qu'est-ce qu'il faut faire pour gagner les élections ? Tout est parti de là !"
Alain Nsele Ngomba dirige pour sa part le collectif des avocats de la défense. Il rejette toutefois le motif d'une raison électorale pour justifier les massacres. "Une chose est vraie, le conflit entre les deux peuples-frère est un conflit séculier. Cela ne date pas d'hier. Ces deux peuples sont contraints de vivre ensemble. Et les responsabilités doivent être dégagées" affirme t-il.
Il n'est pas encore sûr que le processus juridique en cours puisse créer la base d'une réconciliation. Pour l'heure, les victimes demandent une indemnisation importante et une aide à la reconstruction.
Un millier de Banunu ne sont toujours pas retournés dans leurs villages dévastés et vivent de l'autre côté du fleuve Congo dans des camps de réfugiés en République du Congo voisine.