1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Comment améliorer les programmes de désarmement

19 novembre 2024

Interview de Jean-Léon Ngandu Ilunga est l’ambassadeur de la République Démocratique du Congo à l'Union Africaine sur les améliorations possibles des programmes de désarmement et réinsertion post-conflit.

https://p.dw.com/p/4nAC9

Une réunion du Conseil de paix et sécurité de l'Union africaine s’est tenue le 18 novembre 2024 à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Depuis le mois d'avril dernier, la RDC est membre du Conseil de paix et sécurité de l'Union africaine, dont elle assure en novembre la présidence tournante. 

Le sujet de la réunion était important pour Kinshasa puisqu’il s’agissait d’évoquer "la mise en œuvre des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion", ainsi que la reconstruction post-conflit. En clair : comment désarmer et réinsérer les anciens combattants des groupes armés.

Jean-Léon Ngandu Ilunga est l’ambassadeur de la RDC à l'Union Africaine. Celui-ci estime toutefois qu'il est périlleux de désarmer les anciens combattants sans leur donner une vraie possibilité de se réinsérer dans la société. Il évoque aussi le manque de financement, en partie lié au manque de confiance et au détournement de certains fonds.

Interview de Jean-Léon Ngandu Ilunga

 

DW : Jean-Léon Ngandu Ilunga. En tant que président du Conseil de paix et sécurité de l'Union africaine, c'est vous donc qui venez d'accueillir la 245ᵉ réunion de l'Union africaine. Quels en étaient les objectifs ?

C'est la République démocratique du Congo en tant que pays qui assure la présidence pour le mois de novembre du Conseil de paix et sécurité. Le thème était : Comment pouvons-nous mieux financer, mieux gérer les programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion d'une part, ainsi que le programme de développement post-conflit d’autre part qui sont mis en œuvre dans beaucoup de pays africains qui sortent de conflits ou qui tentent de sortir de conflits

Et, surtout, pouvons-nous les rendre beaucoup plus à même d'apporter les solutions aux attentes des groupes armés qui sont démobilisés et qu'on remet de nouveau au sein des communautés ?

Comment pouvons-nous, aussi, mieux identifier les besoins de ces communautés alors qu’elles doivent accueillir et les démobilisés dont certains ont perpétré des crimes parmi elles et accueillir les déplacés internes qui reviennent et y compris les réfugiés parfois, qui sont rapatriés ?

C'est un défi majeur. Il y a aussi le défi de la justice transitionnelle et d'une manière plus claire.

 Sierra Leone | Des enfants-soldats de Makeni (archive de 1999)
Le désarmement et la réinsertion des anciens combattants dans la société réclament une approche multisectorielle, selon Jean-Léon Ngandu Ilunga.Image : epd/dpa/picture-alliance

 

DW : Qu'est-ce qui a motivé le choix de ces thèmes ?

Chaque fois que nous examinons une situation de guerre et les possibilités de promouvoir la paix, que ce soit au Soudan, que ce soit en Somalie, que ce soit à l'Est de la République démocratique du Congo, que ce soit au Mozambique, partout en Afrique où il y a des guerres, il se pose la question suivante lorsque on amène les belligérants à signer un accord de paix et qu'on inscrit dans ces accords de paix la dimension de désarmement, démobilisation et réinsertion : est-ce que réellement on prend toutes les dispositions pour que ces processus de désarmement se déroulent de façon efficace ?

Il n'y a rien de plus dangereux que de désarmer un ex-combattant un ex-terroriste et de le remettre dans la communauté sans lui donner des alternatives de vie socio-économique.

Enseigner dans une zone sous contrôle des rebelles en RDC

Beaucoup de ces jeunes gens sont traumatisés par les affres de la guerre. Ils ont besoin d'encadrement pour les aider à revenir à un état d'esprit sociable où ils peuvent se réintégrer dans la société.

Il faut donner à ces jeunes gens des compétences professionnelles qui leur permettent de reprendre le travail dans les activités socio-économiques de manière à ce qu'ils gagnent leur vie désormais autrement qu'avec le fusil.

Il faut remplacer le fusil par une réhabilitation psychologique.

Il faut leur donner des outils de connaissance, de compétence pour qu'ils puissent trouver des métiers, des opportunités de travail.

Il faut que la démobilisation soit accompagnée de toute une série de mesures qui donnent des alternatives de réinsertion socio-économique et psychosociale aux démobilisés.

Il faut une réconciliation entre les anciens combattants et les communautés pour que les communautés les acceptent.

Mais il faut aussi une justice de manière à ce qu'il n'y ait pas une impunité.

Ces régions ont besoin d'être reconstruites. Le Conseil de sécurité pense qu'il faut une approche multisectorielle.

Quand vous faites un programme post-conflit, il faut tenir compte de la nécessité de remettre complètement à pied toutes les institutions du pays et de cette zone-là et cela demande des financements.

Des élèves d'une école, au Nigeria, qui travaillent en classe avec des ordinateurs portables (illustration)
Améliorer les conditions d'enseignement fait partie des enjeux de la paixImage : Odunayo Oreyeni/DW

 

DW : Parlons des financements, justement. La région la plus concernée, ici, en République démocratique du Congo, c'est l'Est, bien sûr. Qu'est ce qui a déjà été fait ?

Je pense qu’avec l'Union européenne, les Nations Unies, la Banque mondiale, même la Banque africaine de développement, les sources de financement existent.

Mais vous savez bien souvent, le problème n'est pas l'argent.

Nous, les Etats qui sommes dans des situations de conflit, comment est-ce que nous présentons des programmes et des budgets et surtout une capacité de gestion transparente ?

Souvent, il existe des soupçons que les financements qui sont accordés ne sont pas toujours bien gérés. D'où la méfiance et d'où les hésitations, parfois, à amener des fonds à hauteur des besoins.

Mais au-delà de ces soupçons de mal gouvernance et de mauvaise gestion, nous avons interpellé les donateurs et nous continuerons à le faire.

Lorsqu'il y a eu la guerre de Yougoslavie et que finalement la guerre s'est terminée, les Etats européens se sont montrés solidaires, parce que Yougoslavie et Union européenne ont mobilisé des dizaines de milliards de dollars pour une reconstruction dans tous les domaines.

Cette approche multisectorielle est robuste.

Nous aimerions que nos amis européens, américains, nos partenaires de la Banque mondiale reconstruisent les zones africaines affectées par les guerres.

S'il y avait une petite salle de classe pour 150 enfants, qu'on en construise cinq pour qu'il y ait 25 enfants par classe.

Donc, il faut qu'il y ait une amélioration qualitative dans la façon dont on reconstruit les communautés africaines qui sortent de guerre.

Cette approche minimaliste doit s'arrêter.