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RDC : alerte sur les violences contre les Batwa

7 avril 2022

Selon l'ONG Minority Rights Group (MRG) des gardes du parc national de Kahuzi-Biega et des soldats de l'armée congolaise seraient responsables de violences contre les Batwa.

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Le parc national de Kahuzi-Biega oú vivent les Batwa.
Le parc national de Kahuzi-Biega oú vivent les Batwa.Image : Mariel Müller/DW

C'est dans l'est de la République démocratique du Congo que se trouvent des collines du parc national de Kahuzi-Biega. Un parc classé au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1980, dont le plus important donateur est le gouvernement fédéral allemand. Il abrite les derniers gorilles des plaines de l'Est et aussi le peuple indigène Batwa. Mais depuis 2019, cette minorité fait l’objet d’attaques ciblées. L'ONG Minority Rights Group (MRG) a enquêté sur ces violences et a publié le 6 avril un rapport de près de 100 pages qui met en cause les gardes du parc et des soldats de l'armée congolaise. Ils seraient responsables de meurtres, viols et déplacements forcés de Batwa. 

Des attaques

Kibibi Kaloba, 30 ans, vit avec ses enfants sur le site d'un hôpital en chantier, à quelques kilomètres des limites du parc national de Kahuzi-Biega. Elle fait partie des quelque 200 Batwa qui se sont installés depuis des mois dans ce camp improvisé. 

En novembre 2021, la vie de Kibibi Kaloba a basculé. Elle travaillait dans son champ lorsqu'elle a appris que son village, Bugamande, était la cible d’une attaque. Inquiète pour ses cinq enfants, elle est vite retournée chez elle. 

"Ma maison avait déjà brûlé. J'ai pris un bâton et j'ai fouillé dans les cendres, puis j'ai vu le crâne d'un de mes enfants dedans" raconte t-elle. Deux de ses enfants - âgés de quatre et cinq ans - ont été brûlés dans la maison. Les assaillants avaient bloqué la porte. Kibibi Kaloba a emmené ses trois autres enfants et s'est enfuie.  Selon les villageois, les assaillants étaient des gardes du parc et des soldats de l'armée congolaise.

Des hommes, des femmes et des enfants de la minorité Batwa.
Des hommes, des femmes et des enfants de la minorité Batwa.Image : Mariel Müller/DW

Pour le chef Mbuwa Kalimba Bachirembera, il ne fait aucun doute que l'administration du parc cherche à chasser les Batwa alors même que leur terre ancestrale se trouve à l’intérieur.

Selon lui "ils ont été envoyés par l'ICCN (Agence congolaise de conservation, ndlr). Ils viennent nous attaquer chaque année depuis 2019. Quand ils tuaient des gens, ils leur coupaient les bras, les montraient aux autres et leur disaient de quitter les champs, sinon ils seraient tous exterminés."

Selon l'ONG Minority Rights Group (MRG) qui a enquêté sur les incidents violents au cours des trois dernières années dont sont victimes les Batwa, les gardes du parc et les soldats de l'armée congolaise ont tué au moins 20 membres de cette minorité, violé une quinzaine de femmes et déplacé de force des centaines de personnes après avoir incendié leurs villages. 

Deux gardes du parc à Bukavu, la capitale provinciale du Sud-Kivu, confirme ces violences contre les Batwa. Ils expliquent qu'un autre gardien qui avait critiqué la gestion du parc a été retrouvé mort. Ils préfèrent donc rester anonymes.

"J'étais là quand ils ont reconstruit trois fois leurs villages et nous les avons détruits à chaque fois. Nous menions généralement les attaques avec des soldats de l'armée congolaise " explique l'un des gardes.

Selon l'autre, "l'ordre est venu de notre chef, De-Dieu Bya'Ombe. Nous étions 75 personnes et notre mission était d'incendier ces maisons. Le but est de terroriser la population pour qu'elle ne revienne pas."

'Le but est de terroriser la population pour qu'elle ne revienne pas' (un garde)

Le directeur du parc De-Dieu Bya'ombe Balongelwa, mis en cause, nie ces accusations. Dans une réponse écrite à la DW, il a déclaré qu'il n'y avait jamais eu de violence ciblée dans le parc. Il n'a jamais non plus ordonné de telles attaques. De plus, il estime être victime d'un complot qui vise à se débarrasser de lui en tant que directeur du parc.

Réaction des donateurs 

Quoiqu’il en soit ces violences sont signalées alors que la Reconstruction Loan Corporation (KfW) finance des projets dans six réserves naturelles au Congo dont le parc national de Kahuzi-Biega, pour le compte du ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ) et en étroite collaboration avec la Société allemande de coopération internationale (GIZ). Au total, 66 millions d'euros ont été versés depuis 2008 selon la KfW.

Selon l'ONG Minority Rights Group, les donateurs ont été informés des attaques contre les Batwa dès 2019. "Ces donateurs internationaux du parc ont été informés à plusieurs reprises que leur soutien financier et matériel entraînait des abus massifs contre les civils", selon Robert Flummerfelt, auteur du rapport du Minority Rights Group. "Les preuves découvertes au cours de cette enquête indiquent clairement qu'ils étaient complices d'exactions susceptibles de constituer des crimes contre l'humanité", ajoute-t-il.

Les donateurs ont également financé la formation paramilitaire des gardes du parc. Du point de vue de Flummerfelt, cela viole l'embargo sur les armes de l'ONU contre la République démocratique du Congo, puisque le Conseil de sécurité de l'ONU n'a pas été informé au préalable.

Le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) demande l'ouverture d'une enquête.
Le ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ) demande l'ouverture d'une enquête.

Dans un communiqué, la BMZ assure que les allégations de crimes contre les Batwa sont prises très au sérieux et demande aux autorités congolaises l’ouverture d’une enquête rapide et indépendante.

Une réponse écrite de la KfW indique qu'elle a été informée des attaques contre les Batwa et a demandé à l'autorité de conservation de la nature de mener une enquête. "La KfW condamne fermement les actes décrits (...). La KfW rejette toute forme de violence comme étant absolument inacceptable" précise la KfW qui assure que le but du financement de la formation était "exclusivement une formation dans le but non militaire de protéger le parc national en tant que bien public". La KfW souligne par ailleurs, partager la conviction du gouvernement fédéral selon laquelle la conservation de la nature doit adopter une approche fondée sur les droits de l'homme.

En 2019/2020, plusieurs reportages du quotidien "taz" sur des comportements répréhensibles dans le parc ont conduit le ministère allemand du développement à arrêter le soutien financier à l'autorité de protection de la nature. Cependant, les paiements ont repris en mai 2020.

Revenir malgré la peur

Pendant ce temps, les Batwa de Bugamande ont décidé de retourner dans leur village. La peur est grande qu'ils soient à nouveau expulsés. Mais les villageois espèrent que la couverture médiatique internationale de leur sort les protégera. En tout cas, Namondokolo est déterminée à retourner sur sa terre natal - malgré les violences qu'elle a endurées : "Nous resterons ici qu'ils tirent dessus ou non. Nous avons accepté de mourir sur cette terre" dit-elle.