RDC : des routes construites grâce aux impôts des Ougandais
11 septembre 2023Fin novembre 2021, des ouvriers ougandais, protégés par leur armée nationale, bitumaient les routes et colmataient les nids de poule dans le nord-est congolais. Un atout sécuritaire pour la RDC, nous explique le politologue Kristof Titeca pour lui "il y a toujours eu beaucoup de groupes armés dans l’est de la République démocratique du Congo. Beaucoup considèrent la région comme un refuge parce que l'Etat y est peu présent et les infrastructures y sont très mauvaises. Il est donc très difficile pour l'Etat d’intervenir. La construction de routes faciliterait la prise de mesures par les autorités".
En 2020, la société minière d’Etat congolaise, Sakima, et le constructeur ougandais Dott Services, ont fondé une coentreprise, la société Punia Kasese Mining. Dott Services en détient 70%. La société a aussi accès à des concessions en Ituri, une province de l’Est riche en étain et en tantale. Une grande partie du projet est financée par les impôts de la population ougandaise.
Susan Kataike, porte-parole du ministère ougandais des Transports, assure que l’amélioration des infrastructures renforce les échanges commerciaux entre les deux pays, mais aussi la sécurité qui demeure un enjeu prioritaire.
"La route entre Kasindi et Beni a grandement été améliorée. Un voyage qui prenait trois heures, prend maintenant moins de 40 minutes. C’est toute la beauté de ce projet. Si construire des routes en République démocratique du Congo contribue à éliminer la menace, cela devient une priorité. Nous ne pouvons pas faire d'affaires si nous ne sommes pas en sécurité", dit Mme Kataka.
De nombreuses interrogations
Mais pourquoi l’Ouganda investit-il l’argent de ses contribuables sur les routes de la RDC et non sur les siennes ?
En fait, l’Ouganda doit de l’argent à la République démocratique du Congo – beaucoup d’argent. Exactement 325 millions de dollars. Une somme décidée à la suite du jugement rendu en février 2022 par la Cour internationale de justice.
Une indemnisation pour les pillages perpétrés sous l’occupation de la région frontalière lors de la Seconde guerre du Congo, de 1998 à 2003. Il y a un an, l’Ouganda a payé 65 millions de dollars, et cette échéance sera reconduit annuellement sur cinq ans.
Or, le montant des indemnisations équivaut quasiment au coût total de construction des routes du Congo. La presse ougandaise s’est fait l’écho de cette coïncidence des sommes et a soulevé des soupçons de corruption qui entourent la signature de ce contrat de 335 million de dollars, versés par l’Etat ougandais à Punia Kasese Mining, et qui impliquent le propre frère du président Yoweri Museveni.
Une affaire de justice
En ce mois de septembre, la deuxième tranche de la somme fixée par la Cour Internationale de Justice est due. Jim Mugunga, porte-parole du Trésor ougandais, a confirmé à la DW que le gouvernement entendait honorer ses engagements envers le Congo.
Il espère aussi que les "nouvelles bonnes relations" entre les deux pays disposeront les Congolais à négocier le "mode de paiement". En d’autres termes : l’Ouganda espère que les infrastructures réparées seront considérées comme faisant partie de la compensation.