Après la mise en place du nouveau gouvernement en République démocratique du Congo, il y a une semaine, l'opposition n'attend rien de bon de la nouvelle équipe gouvernementale.
Le gouvernement Judith Suminwa est composé de 54 membres. Mais l'opposition les qualifie d'équipe d'amateurs. Le député national Christian Mwando, président du groupe parlementaire de l'opposition, explique cette défiance
Ecoutez l'entretien avec Christian Mwando en cliquant sur l'image ci-dessus
DW : Christian Mwando, vous êtes le président du groupe parlementaire de l'opposition à l’Assemblée nationale de RDC. Vous n'avez jamais cessé de dénoncer le retard que prenait la mise en place du gouvernement Judith Suminwa. Ce nouveau gouvernement est là. Êtes-vous satisfait ?
Christian Mwando : On a perdu cinq mois pour rien parce que quand vous voyez le gouvernement qui est sorti, c'est pratiquement 40% des anciens ministres qui sont reconduits. Il y a beaucoup de copinage qui a joué dans ce gouvernement. Quand vous regardez les changements qui ont été faits, vous sentez vraiment du tâtonnement et de l'amateurisme. Je pense qu'il n'y a rien de bon à attendre de ce gouvernement et c'est dommage pour notre pays.
DW : Pourquoi être si pessimiste ?
Christian Mwando : La manière dont ce gouvernement a été composé, il n'y a rien de nouveau. On ne sent pas qu'il y a eu une recherche de qualité et de professionnalisme. On ne voit pas de sérieux dans ce qui se fait. C'est ça qui est dommage.
On a eu un peu d'espoir quand on a vu que la Première ministre était une professionnelle qui venait du monde international. Mais la composition de son gouvernement laisse à désirer.
Comment peut-on prendre quelqu'un qui était dans le milieu du journalisme pour le mettre ministre de la Défense, dans un pays en guerre ? Il va prendre combien de temps pour apprendre alors qu'on est en train de perdre chaque jour du terrain à l'Est du pays ?
Il y a un problème de casting avec ce gouvernement et ce problème fait que nous allons avoir 40% des ministres qui ont montré leurs limites et 60% d'amateurs.
Le pays court vers la catastrophe.
DW : Votre collègue de l'opposition, Constant Mutamba, comment est-ce que vous avez accueilli sa nomination comme ministre de la Justice ?
Christian Mwando : Voilà encore des éléments qui nous font désespérer de ce gouvernement . Après la nomination de Monsieur Mutamba, la presse a sorti les documents montrant qu’il avait été radié du barreau. Vous nommez quelqu'un qui a été radié du barreau ministre de la Justice et garde des sceaux ? Il y a un problème !
L'homme était, il y a moins d’une semaine, encore candidat au bureau de l'Assemblée nationale dans le cadre de l'opposition. Mais du coup il se retrouve au gouvernement.
Je crois qu'il y a une sorte de théâtralisation de la vie politique. On ne prend pas les choses au sérieux et on ne se prend pas au sérieux. Ça, ce sont encore des signes de légèreté inadmissibles.
DW : Christian Mwando, je rappelle que vous êtes le président du groupe parlementaire de l'opposition au sein de l'Assemblée nationale. Est-ce que c'est facile ?
Christian Mwando : Non ce n'est pas du tout facile.
Aujourd'hui, au sein de l'Assemblée nationale, toute l'opposition ne représente que 29 députés sur 500. Avec le président actuel de l'Assemblée nationale qui a suffisamment d'expérience, il y a le règlement intérieur de l'Assemblée qui nous donne droit à la parole à chaque fois que c'est nécessaire.
Pour nous, ce n'est pas qu'on va peser sur la marche du gouvernement ou du pays, mais au moins on fera entendre notre voix discordante à chaque fois que cela sera nécessaire.
DW : Avec 3%, aurez-vous vraiment de l’influence ?
Christian Mwando : Nous ne serons peut-être pas influents mais nous serons craints. Notre œil sur tout ce qui se passe en tant que membres de l'opposition peut éviter certains méfaits.
Nous sommes là aussi pour dénoncer tout ce que nous aurons constaté auprès du peuple parce que c'est le peuple qui est le dernier comptable.
Nous attendons qu'un jour la population dise que pour telle chose, telle chose, telle chose, nous marchons, nous ne sommes pas d'accord. Que par des moyens pacifiques, la population aide à faire changer les choses.
DW : Et cette question en rapport avec un probable changement de la constitution, qu'est-ce que vous en dites ?
Christian Mwando : Lorsqu'on échoue, lorsque le leadership est faible, lorsque la gouvernance est mauvaise, il ne faut pas commencer à accuser le texte.
On a accusé les étrangers, après on a accusé l'opposition, aujourd'hui on accuse la constitution.
Le chaos que nous sommes en train de vivre que ce soit sur le plan sécuritaire, que ce soit sur le plan de la corruption, que ce soit sur le plan social avec la hausse des prix, les embouteillages, l'état des routes, le manque d'eau, le manque d'électricité, le mauvais fonctionnement de la gratuité de l'enseignement, des décisions irréfléchies telles que la gratuité de la naissance des bébés, la perte du pouvoir d'achat des fonctionnaires. Est-ce que c'est la faute de la constitution ? Derrière tout ça, il y a l'intention de rempiler en 2028.
DW : Vous n'allez pas le permettre...?
Christian Mwando : On ne va pas le permettre parce que l'objectif caché, c'est de prolonger le mandat [présidentiel].
DW : Une autre question, relative au porte-parolat de l'opposition. On n’en parle plus ?
Christian Mwando : Le porte-parolat de l'opposition ne peut être touché que lorsque le gouvernement est mis en place. La loi dit que c'est dans les 30 jours suivant l'investiture du gouvernement que le porte-parole de l'opposition doit être désigné.
DW : Et ce porte-parole, ça sera qui ?
Christian Mwando : Naturellement ça devrait être Moïse Katumbi parce que sur les 29 députés de l'opposition il y en a 23 du groupe parlementaire Ensemble. C'est une majorité écrasante. Et sur les 108 sénateurs il n'y en a que trois de l'opposition et tous les trois sont d'Ensemble.